Hasard du calendrier, après des journées entières d'interrogation à se demander sur qui, sur quoi, le préposé pourrait bien divaguer, ce dernier s'est rappelé au bon souvenir de l'année 1969 et de la nouvelle révolution Davisienne qui lança l'éclosion d'une nouvelle génération de musiciens.
Et parmi ces jeunes qui firent leurs gammes durant les 60’s avant que leur popularité n'explose la décennie suivante [1], le jeune tchèque Miroslav Vitous reste comme l'un, sinon, LE bassiste prodige des jeunes années du jazz-rock de la fin des années 60 au début des années 70, au sein du Weather Report (avec comme autres chefs de fil le saxophoniste Wayne Shorter et le claviériste Joe Zawinul).
Après l'obtention d’un premier prix lors d'un concours international de musique à Vienne, Miroslav Vitous se voit accorder d'étudier au prestigieux Berklee College. Durant cet intermède scolaire d'une année, le (contre)bassiste est déjà sollicité pour intégrer la formation de l'ancien saxophone alto de Miles Davis, Cannonball Adderley. L'année suivante en 1967, à seulement 20 ans, il emménage à New-York où il se fait déjà remarquer et collabore avec des pointures du jazz tels que les trompettistes Freddie Hubbard ou Art Farmer. A partir de 1968, l'horizon s'éclaircit encore davantage puisque Vitous côtoie désormais ce qu'on peut nommer la jeune garde du futur jazz des 70’s, le pianiste Chick Corea ou le batteur Jack DeJohnette. On retiendra en particulier le brillant trio qu'il forme avec le pianiste et l'ancien batteur de John Coltrane, Roy Haynes, sur Now He Sings, Now He Sobs. La même année, et ce jusqu'en 1970, Miroslav intègre la formation du flutiste Herbie Mann, qui lui offre l'opportunité de produire son premier album, Infinite Search.
Parallèlement à une tournée avec le saxophoniste Stan Getz et une participation à l'album Super Nova de son prochain partenaire du Weather Report, Wayne Shorter, Miroslav Vitous consacre la fin de l'année 1969 à l'enregistrement de son premier album, aux côtés de sidemen aguerris tels que John McLaughlin, Herbie Hancock, Jack DeJohnette et Joe Henderson, trois musiciens qui ont participés à l'aventure In A Silent Way / Bitches Brew, et un souffleur expérimenté ayant joué quelques mois plutôt avec une des sections rythmiques de Miles Davis [2]. A l'écoute d'Infinite Search, et en se rappelant que quelques mois plus tôt Vitous a croisé la route de McLaughlin et Larry Coryell sur l'album solo de ce dernier, Spaces, ce premier effort combine avec brio les aspects novateurs apportés par Davis sur In A Silent Way, tout en n'omettant pas le lyrisme d'un Spaces (When Face Gets Pale), ou les futures plages « ambient » du Weather Report (Epilogue ou Infinite Search). Mieux, l'album alterne longues plages nerveuses définissant avec précision et expérimentation [3] l'incursion du rock dans la grammaire jazz (Freedom Jazz Dance et I Will Tell Him on You) et compositions fluides et mélodiques illustrant à merveille que jazz-rock peut rimer avec finesse.
Un album méconnu d'un jeune virtuose accompagné par un all-star band à son meilleur niveau.
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[1] Enfin exploser… concernant le bassiste Miroslav Vitous, on est loin d'atteindre les sommets de popularité d'un John McLaughlin ou d’un Chick Corea.
[2] Joe Henderson ayant fait appel à DeJohnette en 1967 pour son album Tetragon et Hancock ayant joué avec le saxophoniste sur ses deux albums précédents albums solo soit The Prisoner et Fat Albert Rotunda sorti la même année qu'Infinite Search en 1969.
[3] Bref, bien loin des effets pyrotechniques gargantuesques qu'on reprochera à juste titre au jazz-rock des années à venir.
C'est bon, ça! Ca fait trop longtemps que je ne me suis pas replongé dans le jazz-rock!
RépondreSupprimerSysT
Fort bien, tout ça ! Je comptais justement me pencher sur les disques solo des musiciens de Davis, faut dire qu'avec des amis, on a sévèrement bloqué sur le "Call it anything" de Miles, filmé à l'île de Wight, vu et revu plusieurs fois ces derniers jours :
RépondreSupprimer1 : http://www.dailymotion.com/video/x2njlh_miles-davis-at-the-isle-of-wight-70_music
et 2 : http://www.dailymotion.com/video/x2nlvj_miles-davis-at-the-isle-of-wight-70_music
Pas de rapport direct avec Vitous, mais tant qu'à parler de jazz électrique... Et je le conseille très vivement à tous ceusses zé celles qui passeront par ici (je sais pas si tu l'as déjà vu, Doc), c'est un vrai bonheur de les voir jouer, et y'a de l'authentique groove du démon à l'intérieur :o)
(tu crois que Jarrett kiffait la pyrolyse ?) (à moins que Dave Holland...) (et pis Airto Moreira, magnifique ^^)
D'ailleurs, justement, le jazz électrique... J'ai le sentiment qu'il a été à son apogée pendant une très courte période, une explosion, et pouffff, c'est retombé très vite derrière, c'est parti en vrille aussi vite que ça avait émergé. Les meilleurs albums du genre sont de 69, 70 ou 71, guère après, me trompje ? Dans la sphère "rock", je vois quoi... "Hot rats" de Zappa, "Third" de Soft Machine, tous deux de 70 et pis c'est tout (je mets hors catégorie la carrière solo, stellaire et ovniesque, de l'immense Robert Wyatt).
Excuse-moi pour la digression, mais je me demandais ce que tu en pensais, tu es bien plus calé que moi sur la question ;-)
@ Syst & Dahu:
RépondreSupprimerOui un jazz-rock léger et inspiré, c'est si rare...
Je n'ai jamais eu l'occasion de voir la performance de Miles à l'ile de Wight... par contre j'ai depuis pas mal de temps sa version audio :-D
et sur ce lien: ICI, cadeau une autre vidéo d'un live de Miles à Berlin avec encore Keith Jarrett dans ses rangs.
En matière de Keith Jarrett sous pyrolyse (ça va rester j'ai l'impression cette expression :-P), il y a aussi le double Live at the fillmore East de 1970, le Live-Evil ou sa version complète, le coffret The Cellar Door Sessions (Live-Evil étant un montage orchestré par Teo Macero)
Concernant le jazz électrique... y'en aurait bcp à dire... Disons qu'à l'origine Miles avait pourtant montré la voie... Alors la meilleure période 69-71? A peu prêt... disons qu'on était aux balbutiements, le jazz électrique ne s'était pas encore spécialisé et donc n'avait pas encore goûté aux stéréotypes voire carrément à la caricature qui sera sienne.
Mais comme date symbolique, la retraite de Miles après 75 est symptomatique de l'arrêt créatif du jazz électrique... enfin disons sa période dorée, il reste toujours des exceptions... Le premier Jaco de 76 par exemple.
C'est vrai que vu le nombre de musiciens qui ont gravité autour de Davis, il faut du temps avant de faire le tour, surtout si après on s'intéresse à ceux qui ont joué avec ses sidemen... ça devient tentaculaire... enfin avec des fortunes diverses, tout n'a pas bien vieilli, comme tu t'en doutes Dahu.
De manière stricte, je pourrais dire que les bonnes périodes sont pour le jazz-rock 69-72 et on peut étirer jusqu'à 75 pour le jazz-funk.
Marrant (ou triste) de constater que des jazzmen de formation se soient laissés coincer artistiquement (commercialement, c'était au contraire une bonne affaire) dans une voie sans issue... au lieu de se servir des avantages que proposait le rock, ils ont glissé rapidement vers les mêmes travers que ce qu'on peut reprocher au rock prog... étonnant. C'est l'une des raisons de mon attachement à McCoy Tyner, l'ancien pianiste de Trane, au plus fort de la popularité du jazz électrique, il n'a jamais cédé à cette facilité, ou plutôt aux facilités que pouvait proposer le jazz électrique.
Et les rockeux touchant au jazz? Voilà, y'a Zappa et Soft Machine (même jusqu'à Fifth ça reste encore très écoutable, certes sur ce dernier Wyatt est parti mais les prestations du trio Elton Dean/Hugh Hopper/Mike Ratledge tiennent encore la corde). L'un des gros soucis (qu'on retrouve encore dans le prog), c'est qu'un rockeur qui s'acoquine avec le jazz, le fait de manière tellement austère et strict, que ça en devient dans le meilleur des cas: stérile! Ah oui, j'allais oublier, il reste quand même Magma (faut rentrer dans le trip, c'est loin d'être évident et c'est loin d'être un jazz-rock pur et dur) avec au moins ces deux là: Mekanïk Destruktïẁ Kommandöh et Köhntarkösz
Ah tiens, je n'ai jamais écouté de Pastorius en solo (peut-être parce que je me disais que je serais forcément déçu, après avoir entendu ses prouesses -peu démonstratives, pour le coup- sur ce chef d'oeuvre absolu qu'est "Hejira" de Joni Mitchell).
RépondreSupprimerEt je suis prêt à signer ce que tu viens de dire, tu as très bien formulé ce qu'on peut reprocher au jazz "fusion". En même temps, Miles a couvert un territoire musical tellement vaste, que c'est dur de suivre derrière... (et je ne suis vraiment pas le genre de type qui embarquerait les sessions de "On the corner" sur une île déserte... ah, si, en fait :o))
Quant à Magma, je dirais qu'ils sont tellement impossibles à classifier, que je les classerai dans la branche... Magma ^^
Rah On The Corner, un album difficile, éprouvant... c'est pour ça qu'il est aussi bon, une des plus belles réussites de Miles Davis :-)
RépondreSupprimerMagma... siiiii, ils font du Zeuhl!!! ^^
On the Corner, difficile? C'est marrant, mais je suis entré dedans à la première écoute. une claque. En même temps, je suis un fan de CAN et sans savoir pourquoi, j'ai toujours trouvé ce disque proche de certains titres de CAN...
RépondreSupprimerRoh mais quelle snob cette Esther... Mais sachez que vous n'avez pas le monopole du snobisme! :-D
RépondreSupprimerDifficile, malgré tout, si... C'est le genre de disque qui a de quoi faire fuir l'auditeur de passage : trop répétitif, trop de couches, trop de lignes qui se finissent en queue de poisson, trop peu de trompette de Miles, et surtout trop incroyablement DENSE, étouffant si on n'y prend garde ^^
RépondreSupprimer"Black satin" est le morceau le plus approprié pour y faire "rentrer" quelqu'un, rien que pour la durée (5 minutes, au lieu des marmites chauffées à blanc sur 20 minutes et plus :o))
Mais il y a aussi, dans les "Complete sessions" (on le trouve ailleurs, y m'semble) le faramibuleux "He loved him madly", une merveille de finesse, de douceur, qui prend le temps de se bâtir sur 32 minutes, de la pure magie... peut-être le plus beau morceau de Davis, pour moi.
Allez, un petit lien vers un texte de KMS sur "On the corner" :
http://kmskma.free.fr/2008/09/410-au-coin-miles-davis-mtume-take-11.html
Oui mais justement le Complete sessions reprend les enregistrements de Big Fun ou de Get up with it avec donc le fameux He Loved Him Madly... passe que Calypso Frelimo c'est de la soupe? :-D
RépondreSupprimerA noter que pour les fêtes de fin d'année, tu peux avoir pour 150 euros l'intégrale de Miles Davis période Columbia... pour ceux qui n'ont pas totale, ça peut valoir le coup aussi.
Non je suis d'accord, On The Corner est tout sauf abordable... pour celui qui n'est pas un habitué des musiques "tordues". Le funk de Davis est à cent milles lieux de celui d'Hancock. Même l'album le plus barré d'Herbie Sextant passe pour de l'easy listening à côté d'On the corner
D'ailleurs ce qui reste, enfin ce qui m'a frappé le plus sur cet album, c'est ce goût de la transe, ce rythme de batterie hypnotique pdt quasi tout l'album... un truc de dingue.
Anecdote sinon savoureuse, tout du moins amusante (ou pas), me rappelle un vendredi soir, à force de subir le goût des autres avec leur sono à fond les ballons dans leur voiture tunées... un soir avec un pote, m'étais amusé à la sortie d'une toile à Rouen de mettre à fond On the corner les fenêtres grandes ouvertes, avec cerise sur le gâteau pour faire profiter au quartier deux passages successifs en voiture... c'est drôle les gens nous regardaient comme des psychopathes ^^...
What a funking dreafull blog !!! That is not music that a big shit !!!
RépondreSupprimerYeah I love funky shit! :-D
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