Sorti dans les salles obscures au Royaume-Uni le 6 juin 1976 (les amateurs apprécieront l'opportunisme mercantile et la juxtaposition des trois 6), La malédiction de Richard Donner est un classique du cinéma d'horreur des années 70. Premier volet d'une trilogie [1] cinématographique narrant l'ascension et la chute du fils du diable, ce long métrage n'avait d'autre ambition que d'offrir au public chrétien sa dose de peur apocalyptique, et à la Fox, productrice du métrage, de profiter du précédent succès signé par la Warner, L'exorciste de William Friedkin, sorti trois années plus tôt. Par sa mise en scène signée par un « jeune » cinéaste de 46 ans, ayant davantage fait ses armes à la télévision [2], son scénario écrit par un quasi débutant en matière de fiction [3], et son casting hollywoodien pré-gériatrique, The Omen avait de quoi frustrer, sur le papier, le déviant lambda. Mais n'allons pas trop vite...
Rome, un 6 juin à 6h du matin, meurt à la naissance le fils de l'ambassadeur étasunien Robert Thorn (Gregory Peck). Le père Spiletto le convint d'adopter secrètement à l'insu de sa propre femme un orphelin dont la mère vient de mourir en couche. Robert et Katherine Thorn (Lee Remick) prénomment leur fils Damien. Tandis que l'enfant grandit sans souci, d'étranges phénomènes gravitent autour de l'enfant âgé désormais de cinq ans, tel le suicide inexpliqué de sa gouvernante le jour de l'anniversaire du jeune garçon. Mis en garde par le père Brennan (Patrick Troughton) à propos de l'origine mystérieuse de son fils adoptif, puis par le photographe Keith Jennings (David Warner), Robert Thorn va découvrir peu à peu prendre conscience de l'effroyable vérité : Damien n'est autre que l'Antéchrist...
Rompu à l'exercice de la réalisation, Richard Donner s'applique tel un honnête artisan à mettre en scène ce thriller religieux. Pour la subversion, vous serez suffisamment poli pour ne pas trop en demander et d'aller voir ailleurs s'il vous plait, merci. Dommage car il y avait sans conteste matière à proposer autres choses tout en restant dans le cadre d'un divertissement made in Hollywood. Voici la limite supposée pour l'amateur de déviance, ou au contraire la raison de la part de la major d'avoir donné les rênes de La malédiction à un cinéaste « normatif » [4].
A la décharge du cinéaste, le scénario de David Seltzer offrait peu de possibilités tant celui-ci se caractérisait d'éléments conventionnels. Or, rien n'empêchait non plus Donner de s'en affranchir tel Roman Polanski avec le roman d'Ira Levin. Ainsi le postulat et l'existence avérée du diable lèvent toute ambiguïté, contrairement à Rosemary's Baby. Le doute n'est plus de mise, la paranoïa réduite à peau de chagrin, et l'humour aux abonnés absents. Le public visé veut du bouc aseptisé sans odeur de soufre. Dont acte. Les desseins du véritable père de Damien s'apparentent alors à un jeu de morts violentes, où il ne fait pas bon de s'approcher de trop près de son fiston casse-bonbons. Car le garçonnet, non content d'être également (et surtout ?) l'incarnation parfaite de la tête à claques, est un véritable oiseau de mauvaises augures, destiné à porter malheur à son entourage. Sous la protection d'une femme à poigne, la dévouée miss Baylock (Billie Whitelaw) et de ses deux molosses, Damien peut dormir tranquille, et nos derniers vœux de lubricité s'évanouir compte tenu de l'âge avancée de la maîtresse femme (soupir). La décence ne pouvait effectivement pas faire apparaître un enfant lubrique à l'écran [5]. Cependant une aguichante gouvernante usant de ses charmes aurait pu être la bienvenue, à l'instar de The Guardian de William Friedkin [6], mais il aurait sans doute fallu alors changer entièrement le casting, et donc la nature de ce film désérotisé. Las.
Désavantagé par un certain manque d'audace, La malédiction se caractérise toutefois par son efficacité à défaut d'originalité ou prises de risque, avec en sus une décapitation pour David Warner afin d'égayer nos cœurs en mal de sensations fortes. Ne boudons pas notre plaisir, si la mise en scène pèche après la première heure, Jerry Goldsmith y compose une remarquable bande originale, saluée par un Oscar de la meilleur musique l'année suivante. Doté d'un casting solide, le trio Peck, Remick & Warner, et du soutien financier d'une major, The Omen est un bon divertissement, dont le succès au box-office permit à son metteur en scène d'entamer le début d'une vraie carrière, en se voyant confier par la suite la réalisation de Superman. Enfin, pour l'amateur de Bisserie, l'italien Alberto De Martino (L'incroyable Homme-Puma) s'inspira l'année suivante du métrage américain, dans la grande tradition transalpine, pour en proposer une relecture écologique nommée Holocaust 2000, avec en prime un Kirk Douglas courant nu sur une plage. Dont acte.
The Omen (La malédiction) | 1976 | 96 min
Réalisation : Richard Donner
Scénario : David Seltzer
Avec : Gregory Peck, Lee Remick, David Warner, Billie Whitelaw, Harvey Stephens, Patrick Troughton
Musique : Jerry Goldsmith
Directeur de la photographie : Gilbert Taylor
Montage : Stuart Baird
____________________________________________________________________________________________________[1] Dont l'intérêt s'arrête finalement à ce premier volet. Quant au remake des années 2000, pas vu, pas pris !
[2] Donner a quasiment réalisé des épisodes pour toutes les séries à succès des années 60 et 70 : La Quatrième dimension, Des agents très spéciaux, Perry Mason, Max la menace, Le fugitif, Les mystères de l'Ouest, L'homme de fer, Cannon ou Kojak.
[3] David Seltzer réalisa surtout plusieurs documentaires pour la télévision et signa quelques scénarios pour le petit écran, en plus de seconder Roald Dahl pour l'adaptation de son roman Charlie et la chocolaterie en 1971.
[4] On n'a(ura) pourtant connu la Fox plus aventureuse en matière de jeunes cinéastes avec William Friedkin ou Brian de Palma pour French Connection et Phantom of the Paradise.
[5] Ceci n'est pas un hentai !
[6] Troisième référence au réalisateur de Cruising... cela ne cacherait-il pas une prochaine chronique ?
Depuis tout gamin, je classe ce film parmi les monuments de la trouille pelliculée. Entre L'exorciste et Amityville, deux autres souvenirs du "carré blanc" cathodique. Aujourd'hui, The omen est toujours aussi efficace : casting solide, premier degré flippant, score insidieux et grandiloquent, fin pessimiste et glaciale...Comme dirait Télé 7 jours : un modèle du genre.
RépondreSupprimerOui ça reste efficace malgré ses limites citées :-)
SupprimerPar contre attention pour Amityville.
(Re)Vu avec madame cette année, le film a pris un très gros coup de vieux. Et à part Margot Kidder, pas grand chose à sauver : on navigue entre le grotesque et l'ennui...