Second long métrage de Steve De Jarnatt, après son gentillet, quoique très inégal, Cherry 2000 sorti l'année précédente, et avant une carrière consacrée par la suite à la télévision, Miracle Mile (Appel d'urgence) jouit depuis son origine d'un statut particulier. Déclaré en 1983 par le magazine étasunien American Film parmi les dix meilleurs scénarios de films qui n'ont pas encore été adaptés, Appel d'urgence a connu de longues péripéties, près de dix ans, avant d'être enfin mis en scène par son auteur, Steve De Jarnatt, à la fin de la décennie 80. En marge des productions Reaganiennes de l'époque, qui anticipaient par exemple une improbable invasion soviétique sur le sol étasunien (les supra-réactionnaires Aube rouge ou Invasion USA), le long métrage fait revivre le climat anxiogène des 50's et 60's de la Guerre Froide, quand le risque d'une éventuelle Troisième Guerre Mondiale était au plus fort. Anachronique, à contre-courant, Appel d'urgence gagna sans surprise ses jalons de film culte plusieurs années après sa sortie et l'échec commercial qui s'en suivit. Mais n'allons pas trop vite.
Los Angeles. Le musicien Harry Washello (Anthony Edwards) fait la rencontre de Julie Peters (Mare Winningham) dans un musée. C'est le coup de foudre. Travaillant dans une cafeteria sur Miracle Mile, la jeune femme lui donne rendez-vous à la fin de son service à minuit et quart. Parti se reposer à son hôtel en attendant, une panne d'électricité lui fait rater son premier rendez-vous. Arrivé finalement sur place à quatre heures du matin, Harry répond par erreur à un appel provenant d'une cabine téléphonique voisine. Un inconnu lui apprend alors qu'un missile nucléaire va s'abattre sur Los Angeles dans soixante-quinze minutes. Harry n'a plus qu'une seule idée en tête, retrouver Julie et trouver un pilote d'hélicoptère afin de quitter la ville.
Petit rappel des faits évoqués en préambule. Fraîchement sorti de l'American Film Institute, le jeune Steve De Jarnatt signa pour la Warner Bros une première mouture du scénario, avant de racheter cette première version au studio devant son refus de laisser cet inexpérimenté réalisateur mettre en scène son histoire originale. Réécrit par De Jarnatt, la major lui proposa une offre financière attractive qui se solda cette fois-ci par un refus de la part du scénariste, ce dernier n'acceptant aucun compromis. Après des années de mise en veille [1], Appel d'urgence trouva finalement un financement dans les conditions souhaitées par son auteur grâce au producteur John Daly (Terminator, Platoon) à la fin de la décennie.
Proche par sa thématique des films produits au tournant des années 60, Appel d'urgence s'éloigne toutefois des classiques du genre et autres survival. "Je crois que j'ai toujours été un type romantique". Romance contrariée par l'apocalypse atomique à venir, le scénario de De Jarnatt répond d'une certaine façon au Dernier rivage (On the Beach) réalisé en 1959 par Stanley Kramer. Seule différence temporelle entre les deux histoires, les amours désespérés de Gregory Peck et Ava Gardner se déroulaient après la Troisième Guerre mondiale.
Rassemblant les codes de la comédie romantique au cours de son long prologue, Appel d'urgence cède ainsi sa place au bout de vingt minutes de manière abrupte au thriller. D'un rebondissement évoquant les twists de Twilight Zone (le scénario de De Jarnatt fut pressenti pour intégrer l'adaptation cinématographique de la série de Rod Serling), le film, compte tenu de son budget limité, privilégie sans surprise les atmosphères paranoïaques aux scènes à grand spectacle, Harry, détenteur de l'inéluctable vérité, devenant bien malgré lui le principal vecteur de cette tension de pré-fin du monde. Variation catastrophique du satirique et absurde After Hours de Martin Scorsese sorti trois ans plus tôt, avec sa galerie de personnages [2] noctambules, décalés, à commencer par les clients de la cafeteria Chez Johnie, le long métrage glisse dès lors vers l'hystérie collective, telles les émeutes qui éclatent à l'aube, quand l'information est finalement connue de tous. Mieux, De Jarnatt fait le choix judicieux de tourner quasiment en temps réel, juste après l'annonce faite à Harry, accentuant encore un plus l'aspect « course contre la montre » de la seconde moitié du film.
Dernier point loin d'être anodin, la volonté de son auteur d'inscrire son histoire au plus près de ses personnages. Harry Washello n'a rien d'un héros, et encore moins d'un anti-héros post-apocalyptique. Homme ordinaire, quoique légèrement anachronique (qui dans les années 80 rêve sérieusement de devenir le nouveau Glenn Miller ?), ce jazzman fleur bleu s'écarte autant des aspirations guerrières et survivalistes en de pareilles circonstances, que des héros Reaganiens qui ont traversés avec succès la décennie.
Échec commercial à sa sortie, Appel d'urgence ne trouva pas son public en cette fin de décennie. Production indépendante, bénéficiant d'un budget limité et d'un casting modeste, le film n'aura finalement pu se défaire de sa malédiction originelle. De son thème désormais « passé de mode » à son absence d'happy end, Appel d'urgence ne pouvait décemment pas plaire au grand public 80's, reléguant dès lors son réalisateur vers la production télévisuelle [3].
A (re)découvrir.
Los Angeles. Le musicien Harry Washello (Anthony Edwards) fait la rencontre de Julie Peters (Mare Winningham) dans un musée. C'est le coup de foudre. Travaillant dans une cafeteria sur Miracle Mile, la jeune femme lui donne rendez-vous à la fin de son service à minuit et quart. Parti se reposer à son hôtel en attendant, une panne d'électricité lui fait rater son premier rendez-vous. Arrivé finalement sur place à quatre heures du matin, Harry répond par erreur à un appel provenant d'une cabine téléphonique voisine. Un inconnu lui apprend alors qu'un missile nucléaire va s'abattre sur Los Angeles dans soixante-quinze minutes. Harry n'a plus qu'une seule idée en tête, retrouver Julie et trouver un pilote d'hélicoptère afin de quitter la ville.
Petit rappel des faits évoqués en préambule. Fraîchement sorti de l'American Film Institute, le jeune Steve De Jarnatt signa pour la Warner Bros une première mouture du scénario, avant de racheter cette première version au studio devant son refus de laisser cet inexpérimenté réalisateur mettre en scène son histoire originale. Réécrit par De Jarnatt, la major lui proposa une offre financière attractive qui se solda cette fois-ci par un refus de la part du scénariste, ce dernier n'acceptant aucun compromis. Après des années de mise en veille [1], Appel d'urgence trouva finalement un financement dans les conditions souhaitées par son auteur grâce au producteur John Daly (Terminator, Platoon) à la fin de la décennie.
Proche par sa thématique des films produits au tournant des années 60, Appel d'urgence s'éloigne toutefois des classiques du genre et autres survival. "Je crois que j'ai toujours été un type romantique". Romance contrariée par l'apocalypse atomique à venir, le scénario de De Jarnatt répond d'une certaine façon au Dernier rivage (On the Beach) réalisé en 1959 par Stanley Kramer. Seule différence temporelle entre les deux histoires, les amours désespérés de Gregory Peck et Ava Gardner se déroulaient après la Troisième Guerre mondiale.
Rassemblant les codes de la comédie romantique au cours de son long prologue, Appel d'urgence cède ainsi sa place au bout de vingt minutes de manière abrupte au thriller. D'un rebondissement évoquant les twists de Twilight Zone (le scénario de De Jarnatt fut pressenti pour intégrer l'adaptation cinématographique de la série de Rod Serling), le film, compte tenu de son budget limité, privilégie sans surprise les atmosphères paranoïaques aux scènes à grand spectacle, Harry, détenteur de l'inéluctable vérité, devenant bien malgré lui le principal vecteur de cette tension de pré-fin du monde. Variation catastrophique du satirique et absurde After Hours de Martin Scorsese sorti trois ans plus tôt, avec sa galerie de personnages [2] noctambules, décalés, à commencer par les clients de la cafeteria Chez Johnie, le long métrage glisse dès lors vers l'hystérie collective, telles les émeutes qui éclatent à l'aube, quand l'information est finalement connue de tous. Mieux, De Jarnatt fait le choix judicieux de tourner quasiment en temps réel, juste après l'annonce faite à Harry, accentuant encore un plus l'aspect « course contre la montre » de la seconde moitié du film.
Dernier point loin d'être anodin, la volonté de son auteur d'inscrire son histoire au plus près de ses personnages. Harry Washello n'a rien d'un héros, et encore moins d'un anti-héros post-apocalyptique. Homme ordinaire, quoique légèrement anachronique (qui dans les années 80 rêve sérieusement de devenir le nouveau Glenn Miller ?), ce jazzman fleur bleu s'écarte autant des aspirations guerrières et survivalistes en de pareilles circonstances, que des héros Reaganiens qui ont traversés avec succès la décennie.
Échec commercial à sa sortie, Appel d'urgence ne trouva pas son public en cette fin de décennie. Production indépendante, bénéficiant d'un budget limité et d'un casting modeste, le film n'aura finalement pu se défaire de sa malédiction originelle. De son thème désormais « passé de mode » à son absence d'happy end, Appel d'urgence ne pouvait décemment pas plaire au grand public 80's, reléguant dès lors son réalisateur vers la production télévisuelle [3].
A (re)découvrir.
Miracle Mile (Appel d'urgence) | 1988 | 87 min
Réalisation : Steve De Jarnatt
Scénario : Steve De Jarnatt
Avec : Anthony Edwards, Mare Winningham, John Agar
Musique : Paul Haslinger, Tangerine Dream
Directeur de la photographie : Theo van de Sande
Montage : Stephen Semel, Kathie Weaver
__________________________________________________________________________________________________
[1] Scénario maudit, Appel d'urgence essuya par la suite le refus des autres studios.
[2] Le casting nous fait grâce en prime d'une brochette de seconds rôles : Earl Boen (Dr. Silberman de Terminator), Brian Thompson, Robert DoQui, Edward Bunker, Denise Crosby, O-Lan Jones, etc.
[3] On peut supposer que les grands studios d'Hollywood auront fait payer cher à De Jarnatt son entêtement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire