Dans la série des films appartenant au patrimoine français du cinéma bis, intéressons nous à une œuvre produite par Marius Lesoeur et sa société Eurociné, le terrible, l'angoissant... Lac des morts vivants.
Comme souvent avec ce genre film, il est bon, en avant propos, de jeter un léger coup d'œil sur l'affiche du Lac des morts vivants. Soit, un verdâtre zombie lubrique au casque non moins luisant examinant avec gourmandise une jolie blonde en bikini qui, contrairement au patronyme de ce long métrage signé par un mystérieux J.A. Lazer, semble plus faire trempette dans une mare crapoteuse que dans un lac. Dont acte.
Le Lac des morts vivants, en plus de se traîner la réputation d'être l'un des plus mauvais films français de tous les temps (on y reviendra...), est aussi et surtout une production Eurociné, compagnie reconnue pour l'anémie abyssale des budgets alloués de ses productions (mais qui ne remet pas en cause l'amour du cinéma de Marius Lesoeur... étonnant, non ?). Remplaçant au pied levé un Jess Franco brouillé (momentanément) avec Eurociné [1], Jean Rollin annulait ses vacances en catastrophe et reprenait la réalisation du bébé. Film de commande, expliquant l'utilisation du pseudonyme J.A. Lazer par Rollin, ce film de zombies vert de gris est par conséquent bien éloigné de sa thématique vampirique. Alors pourquoi devrions-nous perdre notre temps quant au visionnage d'une telle œuvre de basse extraction ? Plusieurs réponses viennent rapidement à l'esprit...
Dès les premières minutes de ce film honteusement dénigré (c'était l'instant coup de gueule), il est en effet difficile de résister à cette douce mélopée érotico-seventies composée par Daniel White [2], guidant une jeune femme brune à la cuisse légère (et au short blanc très court) le pas décidé à travers la forêt. Notre future naïade se dirige vers un kiosque près d'un « lac », lieu approprié s'il en est pour se mettre plus à son aise (soit plus communément l'appel du nu intégral). Le cinéphile averti appréciera au passage l'œil acéré du chef opérateur quant à la finesse des cadrages, soulignée par la maestria des plans aquatiques et par la mise à mort de la nageuse exhibitionniste.
Il faut dire qu'il s'en est passé de belles dans ce lac maudiiiiiiiiiiiiiiit. Comme le soulignait fort justement le maire du village interprété par Howard Vernon (un des acteurs fétiches de Jess Franco), ce sinistre lac servit de charnier durant l'Inquisition. Or lors de la seconde guerre mondiale, la résistance locale s'est occupée des quelques soldats allemands qui stationnaient dans le village. Et pour ne pas laisser de traces de cette vile et lâche besogne (Francis Kuntz sort de ce corps), nos paysans redresseurs de tort ont cru bon de jeter les cadavres dans ce fameux plan d'eau croupie. Le vase, enfin le lac, est plein, n'en rajoutez plus. Dix ans plus tard, les soldats réapparaissent sous l'apparence de zombies, et avec une fâcheuse tendance à boulotter les jeunes femmes de préférence dénudées. Mais ce film cache, avant tout, une histoire mélodramatique à faire pleurer dans les chaumières. Un soldat esseulé de la Wehrmacht eut en effet un coup de foudre pour une jeune, et peu farouche, villageoise (avec en sus une nuit torride dans les foins - ce que l'on appelle plus communément dans les milieux avertis « l'appel de la paille »). Or la jeune femme mourut en couche et le père se fit tuer à l'instar de ses camarades. Voici, dès lors, le terrible destin de cette orpheline qui découvre dix ans plus tard la terrible réalité. Fort heureusement, papa revint sous les traits d'un mort-vivant pour remettre un peu d'ordre et discipline. Pouf pouf.
Détaillons avec un minimum d'objectivité les quelques défauts ou points de discordance de ce fameux Lac des morts-vivants. Premier détail trivial, l'équipe de basketteuse féminine qui décide elle aussi de piquer une petite tête dans le lac (difficile de ne pas souligner l'étrange attirance de la gent féminine pour ce plan d'eau), joue avec un ballon de... volley-ball (pourquoi pas ?). Second détail, le lac n'est pas seulement maudit. Selon la prise de vue (aquatique ou terrestre), sa profondeur peut varier d'1 à 2,50 mètres de profondeur. Certaines mauvaise langues créditent que dans la réalité ledit lac n'est autre qu'une mare et que les plans aquatiques auraient été tournés dans une piscine dont on distingue les parois. Restons persuadés qu'il s'agit d'une « erreur » volontaire de la production pour souligner le caractère maudit du lac, tout comme l'enregistrement sonore de ce vile oiseau qui tourne en boucle dès que l'action se situe près des bois (à se perforer le tympan à coups de tisonnier). Certes le maquillage des morts-vivants n'est pas très académique (et encore mois waterproof) : un peu de vert et de rouge pour le visage, une ou deux cicatrices pour les plus méchants, et s'il reste encore un peu de maquillage vert, une légère touche sur les mains, mais c'est à ce prix que l'on rentre dans la légende Eurociné.
Toujours est il qu'à défaut de collectionner les morceaux de bravoure, Le lac des morts-vivants est un film qui prends aux tripes. Le long métrage fait la part belle à la frayeur (?!) tout en parvenant à générer la frustration du spectateur déviant. Parmi les nombreuses scènes tétanisantes, on soulignera celle de la malheureuse jeune femme blonde qui assiste au carnage de ses coéquipières, si traumatisée qu'elle en oublie de mettre un T-shirt, avant d'aller courir seins nus vers l'auberge du village pour demander de l'aide. En écrivant frustration un peu plus haut, ajoutons que ces zombies, comme le laissait présager les paragraphes précédents, sont d'un type assez particulier. La règle admise veut qu'une fois croqué par un mort-vivant, l'humain devienne durant un temps de latence plus ou moins long à son tour un zombie. Nulle mention de cette contamination post-mortem ici. La particularité de cette malédiction tendrait à éviter aux croqué.e.s cette funeste transformation. Pourquoi pas ? Dommage, compte-tenu du nombre de jeunes femmes dénudées qui se font attaquer, l'apparition d'une cohorte de mortes-vivantes nues aurait sans conteste apporté un bénéfice certain [3].
Le lac des morts-vivants pourrait cumuler les défauts inhérents à ce genre de production : l'amateurisme de l'interprétation, un rythme suffisamment lent pour décourager les moins endurant.e.s, un montage approximatif (pas mal de faux raccords et de stock-shots maladroits), des effets spéciaux qui méritent difficilement leur nom, le tout sous le couvert d'une création à la gloire du foutraque (Marius Lesoeur et son équipe réécrivaient au jour le jour le scénario et les dialogues, etc.). Il n'empêche. Œuvre bon enfant, le succès de ce Lac ne s'est jamais démenti depuis, le long métrage connaissant l'année suivante une relecture en milieu aride nommée L'abîme des morts-vivants.
Culte.
Verdict du Nanarotron:
Comme souvent avec ce genre film, il est bon, en avant propos, de jeter un léger coup d'œil sur l'affiche du Lac des morts vivants. Soit, un verdâtre zombie lubrique au casque non moins luisant examinant avec gourmandise une jolie blonde en bikini qui, contrairement au patronyme de ce long métrage signé par un mystérieux J.A. Lazer, semble plus faire trempette dans une mare crapoteuse que dans un lac. Dont acte.
Le Lac des morts vivants, en plus de se traîner la réputation d'être l'un des plus mauvais films français de tous les temps (on y reviendra...), est aussi et surtout une production Eurociné, compagnie reconnue pour l'anémie abyssale des budgets alloués de ses productions (mais qui ne remet pas en cause l'amour du cinéma de Marius Lesoeur... étonnant, non ?). Remplaçant au pied levé un Jess Franco brouillé (momentanément) avec Eurociné [1], Jean Rollin annulait ses vacances en catastrophe et reprenait la réalisation du bébé. Film de commande, expliquant l'utilisation du pseudonyme J.A. Lazer par Rollin, ce film de zombies vert de gris est par conséquent bien éloigné de sa thématique vampirique. Alors pourquoi devrions-nous perdre notre temps quant au visionnage d'une telle œuvre de basse extraction ? Plusieurs réponses viennent rapidement à l'esprit...
Première apparition d'Antonio Mayans
Dès les premières minutes de ce film honteusement dénigré (c'était l'instant coup de gueule), il est en effet difficile de résister à cette douce mélopée érotico-seventies composée par Daniel White [2], guidant une jeune femme brune à la cuisse légère (et au short blanc très court) le pas décidé à travers la forêt. Notre future naïade se dirige vers un kiosque près d'un « lac », lieu approprié s'il en est pour se mettre plus à son aise (soit plus communément l'appel du nu intégral). Le cinéphile averti appréciera au passage l'œil acéré du chef opérateur quant à la finesse des cadrages, soulignée par la maestria des plans aquatiques et par la mise à mort de la nageuse exhibitionniste.
Il faut dire qu'il s'en est passé de belles dans ce lac maudiiiiiiiiiiiiiiit. Comme le soulignait fort justement le maire du village interprété par Howard Vernon (un des acteurs fétiches de Jess Franco), ce sinistre lac servit de charnier durant l'Inquisition. Or lors de la seconde guerre mondiale, la résistance locale s'est occupée des quelques soldats allemands qui stationnaient dans le village. Et pour ne pas laisser de traces de cette vile et lâche besogne (Francis Kuntz sort de ce corps), nos paysans redresseurs de tort ont cru bon de jeter les cadavres dans ce fameux plan d'eau croupie. Le vase, enfin le lac, est plein, n'en rajoutez plus. Dix ans plus tard, les soldats réapparaissent sous l'apparence de zombies, et avec une fâcheuse tendance à boulotter les jeunes femmes de préférence dénudées. Mais ce film cache, avant tout, une histoire mélodramatique à faire pleurer dans les chaumières. Un soldat esseulé de la Wehrmacht eut en effet un coup de foudre pour une jeune, et peu farouche, villageoise (avec en sus une nuit torride dans les foins - ce que l'on appelle plus communément dans les milieux avertis « l'appel de la paille »). Or la jeune femme mourut en couche et le père se fit tuer à l'instar de ses camarades. Voici, dès lors, le terrible destin de cette orpheline qui découvre dix ans plus tard la terrible réalité. Fort heureusement, papa revint sous les traits d'un mort-vivant pour remettre un peu d'ordre et discipline. Pouf pouf.
Détaillons avec un minimum d'objectivité les quelques défauts ou points de discordance de ce fameux Lac des morts-vivants. Premier détail trivial, l'équipe de basketteuse féminine qui décide elle aussi de piquer une petite tête dans le lac (difficile de ne pas souligner l'étrange attirance de la gent féminine pour ce plan d'eau), joue avec un ballon de... volley-ball (pourquoi pas ?). Second détail, le lac n'est pas seulement maudit. Selon la prise de vue (aquatique ou terrestre), sa profondeur peut varier d'1 à 2,50 mètres de profondeur. Certaines mauvaise langues créditent que dans la réalité ledit lac n'est autre qu'une mare et que les plans aquatiques auraient été tournés dans une piscine dont on distingue les parois. Restons persuadés qu'il s'agit d'une « erreur » volontaire de la production pour souligner le caractère maudit du lac, tout comme l'enregistrement sonore de ce vile oiseau qui tourne en boucle dès que l'action se situe près des bois (à se perforer le tympan à coups de tisonnier). Certes le maquillage des morts-vivants n'est pas très académique (et encore mois waterproof) : un peu de vert et de rouge pour le visage, une ou deux cicatrices pour les plus méchants, et s'il reste encore un peu de maquillage vert, une légère touche sur les mains, mais c'est à ce prix que l'on rentre dans la légende Eurociné.
Toujours est il qu'à défaut de collectionner les morceaux de bravoure, Le lac des morts-vivants est un film qui prends aux tripes. Le long métrage fait la part belle à la frayeur (?!) tout en parvenant à générer la frustration du spectateur déviant. Parmi les nombreuses scènes tétanisantes, on soulignera celle de la malheureuse jeune femme blonde qui assiste au carnage de ses coéquipières, si traumatisée qu'elle en oublie de mettre un T-shirt, avant d'aller courir seins nus vers l'auberge du village pour demander de l'aide. En écrivant frustration un peu plus haut, ajoutons que ces zombies, comme le laissait présager les paragraphes précédents, sont d'un type assez particulier. La règle admise veut qu'une fois croqué par un mort-vivant, l'humain devienne durant un temps de latence plus ou moins long à son tour un zombie. Nulle mention de cette contamination post-mortem ici. La particularité de cette malédiction tendrait à éviter aux croqué.e.s cette funeste transformation. Pourquoi pas ? Dommage, compte-tenu du nombre de jeunes femmes dénudées qui se font attaquer, l'apparition d'une cohorte de mortes-vivantes nues aurait sans conteste apporté un bénéfice certain [3].
Le lac des morts-vivants pourrait cumuler les défauts inhérents à ce genre de production : l'amateurisme de l'interprétation, un rythme suffisamment lent pour décourager les moins endurant.e.s, un montage approximatif (pas mal de faux raccords et de stock-shots maladroits), des effets spéciaux qui méritent difficilement leur nom, le tout sous le couvert d'une création à la gloire du foutraque (Marius Lesoeur et son équipe réécrivaient au jour le jour le scénario et les dialogues, etc.). Il n'empêche. Œuvre bon enfant, le succès de ce Lac ne s'est jamais démenti depuis, le long métrage connaissant l'année suivante une relecture en milieu aride nommée L'abîme des morts-vivants.
Culte.
Verdict du Nanarotron:
CADEAU BONUS :
Comment attraper un mort-vivant ou la variante du miel et les abeilles :
Remplissez un seau de sang (en pratique humain de préférence, mais comme ce n'est pas précisé, du sang d'origine animale devrait faire l'affaire... ça fera moins boudin noir pour le charcutier du village). Puis ajoutez-y un bol (qu'on s'en fout pas partout) et voilà, vous avez votre piège à zombies ! Les morts-vivants attirés par l'odeur du sang, à vous désormais de placer un piège dans une pièce fermée et de vous en occuper comme il vous plaira (un lance-flamme pouvant très bien faire l'affaire).
Comment attraper un mort-vivant ou la variante du miel et les abeilles :
Remplissez un seau de sang (en pratique humain de préférence, mais comme ce n'est pas précisé, du sang d'origine animale devrait faire l'affaire... ça fera moins boudin noir pour le charcutier du village). Puis ajoutez-y un bol (qu'on s'en fout pas partout) et voilà, vous avez votre piège à zombies ! Les morts-vivants attirés par l'odeur du sang, à vous désormais de placer un piège dans une pièce fermée et de vous en occuper comme il vous plaira (un lance-flamme pouvant très bien faire l'affaire).
Le Lac des morts-vivants | 1981 | 90 min
Réalisation : J.A Lazer (Jean Rollin)
Production : Marius et Daniel Lesoeur
Avec : Howard Vernon, Pierre-Marie Escourrou, Anouchka, Antonio Mayans, Lynn Monteil, Jean Rollin.
Musique : Daniel White
Directeur de la photographie : Max Monteillet
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[1] La présence de l'acteur francien Antonio Mayans conforte cette histoire.
[2] La bande originale a été éditée en 2017 en CD, premier volet de la série "Horreur à la française" par The Omega Productions Records.
[3] Il faudra attendre 1985 et The Return of the Living Dead de Dan O' Bannon pour voir apparaître ce concept, repris l'année suivante par Pierre B. Reinhard dans La revanche des mortes-vivantes.
rien que l affiche me donne envi de visionner ca, je telecharge direct!
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