Le préposé est colère. Le docteur est vengeance. Affutons nos couteaux, et préparons nos bavoirs. Ça va trancher. C'est pas pour dire, mais s'il y a bien quelque chose que nous apprécions très moyennement, c'est de nous sentir blouser à la vision d'un film. Un emportement surfait ? Certes. Mais il est toujours bon de sinon remettre en cause les critiques unanimes, du moins d'y mettre de belles et grosses pincettes. Sortons donc l'artillerie, et occupons nous des deux "chefs d'œuvre" étasuniens sortis récemment en France Gran Torino et The Wrestler.
Par ordre chronologique, intéressons nous au dernier long métrage de Darren Aronofsky, Lion d'or à la dernière Mostra de Venise (résultat qui pourrait en dire long sur la vigueur depuis quelques années du festival transalpin, mais n'allons pas trop vite...). Après la baudruche emphatique cul cul la praline prénommée
The Fontain, le supposé ex-petit génie Aronofsky laisse de côté, momentanément, ses artifices pour nous conter une histoire qui se voudrait ancrée dans le réel. Aronofsky aurait-il revu les chefs d'œuvre du néoréalisme italien ? Qu'on se rassure, Randy "the Ram" n'a pas perdu sa bicyclette, notre
has been from the 80's a juste décidé de goûter une dernière fois aux joies des joutes viriles. Alors à qui profite le crime ? Pardon. A qui est destiné un tel produit ?
The Wrestler est un savant mélange de plusieurs recettes du passé. Vous avez aimé les aventures de Rocky Balboa. Les histoires de loser vous font tirer quelques larmes de crocodile. Vous êtes un ancien fan de Hard-FM (Mötley Crüe, RATT et consorts). Vous aimez le catch. Vous aimez les héros vieillissants. Vous n'aimez pas les années 90. N'en rajoutez plus, ce Lion d'or 2008 est fait pour vous.
Présenté (enfin vendu) comme le énième grand retour de Mickey Rourke,
The Wrestler part d'un malentendu. Rourke n'a jamais véritablement arrêté de tourner depuis la fin des 90's, le grand public a juste oublié ou n'a pas eu connaissances de ses rôles dans des productions parfois honteuses (
Double Team avec JCVD) ou indépendantes (les excellents
Animal Factory de Steve Buscemi ou
Buffalo '66 de Vincent Gallo). Pire, l'ancien
Johnny Belle gueule n'occupait plus le haut de l'affiche, juste des seconds rôles. Or ce serait oublier la sortie en fanfare de
Sin City (voire de
Domino) au mitan des années 2000, longs métrages nous faisaient déjà le coup du retour de notre ancien boxeur raté.
Avec un rôle taillé sur mesure, physiquement crédible, Rourke est habité par son personnage. Delà à y trouver une analogie grossière avec sa
propre carrière d'acteur... Avec à la clef un rôle à récompenses comme Hollywood les aime. Comme évoqué plus haut, Aronofsky met entre parenthèses ses velléités vaines et colle au mieux sa mise en scène au sujet : sobre et sans artifice. Dommage que ses efforts aillent de pair avec une originalité en
berne et une histoire supra prévisible. Bref, hormis quelques agrafes dans le dos, rideau, on ferme !
Seconde pseudo-diatribe, le dernier Eastwood et son nouveau chef d'œuvre:
Gran Torino. Cette fois-ci, contrairement à
The Wrestler, des premières alertes avaient été lancées indiquant l'aspect mineur du dernier Eastwood. Tentons de développer un tant soit peu...
Walt Kowalski, vétéran de la guerre de Corée, se retrouve seul avec Daisy, son labrador, depuis le décès de sa femme. Tel le dernier des Mohicans, notre vieil homme blanc taciturne est désormais perdu en plein îlot Hmong. La vie vous réserve de cruelles désillusions, vous combattez les communistes dans les 50's et ces derniers, tout du moins des asiatiques, envahissent votre quartier. Mais papy Walt va prendre sous son aile son jeune voisin Thao. Il faut dire que ce dernier avait tenté de voler la Gran Torino de 1972 de papy Eastwood en guise d'épreuve pour faire partie du gang du quartier. Forcément une telle épreuve crée des liens d'amitié, de respect mutuel entre nos deux protagonistes (?!).
A la question, est-il crédible que notre héros adepte du racisme ordinaire puisse du jour au lendemain virer sa cuti et devenir copain comme cochon avec ses voisins Hmongs ? La réponse est... disons que le fait de vivre seul et d'avoir des voisins, asiatiques ou non, qui vous font la cuisine gratuitement doit sans doute peser lourd dans la balance de ce vieil homme aigri. Enfin il semblerait. Eastwood s'amuse toutefois à caricaturer son habituel personnage de réactionnaire. Admettons que ce racisme ordinaire, est davantage le fruit d'une souffrance, aigreur, solitude (rayez la mention inutile au besoin) que d'une réelle xénophobie, ce qui tendrait à expliquer ce revirement soudain.
Sans déflorer la fin, quand bien même cette dernière reste prévisible,
Gran Torino a la décence de garder un minimum de crédibilité. N'en déplaise aux annonces lues du type "le dernier film de Clint Eastwood contre les gangs". Eastwood, 78 printemps, aurait caché son dessein, et se lance dans un vigilante gériatrique ? Le grand Clint aurait-il attendu cet âge vénérable pour marcher sur les plates bandes de Charles Branson, grand maître parmi les maîtres ? Or, les admirateurs du
Justicier de New-York devront se méfier de cette nouvelle publicité mensongère.
Gran Torino n'est ni un grand film, ni un digne successeur de la série des
Death Wish. Triste.