Après un très décevant et fade Sounds of the Universe, deux choix possibles s'ouvraient au préposé docteur en apprenant la sortie prochaine du nouvel album de Depeche Mode : d'une part une indifférence teintée de résignation, d'autre part une curiosité (malsaine ?) héritée d'une déviance qu'il n'est plus besoin de justifier. Intitulé Delta Machine, ce disque a déjà une première particularité, celle d'être le premier album signé chez Columbia/Sony, DM ayant quitté après plus de trente ans de loyauté le label Mute [1]. Deuxième caractéristique, l'initié notera, après deux décennies d'absence, le retour de Flood (cantonné) au mixage. Enfin, dernière singularité (plus mesquine), cet album confirmera t-il l’existence d'une jurisprudence Exciter [2] ? Trois raisons légitimant finalement une écoute du DM de DM, non ?
A en croire les propos de la paire Gore / Gahan, Delta Machine bénéficierait d'un son « très moderne » et « organique », le duo traquant les réflexes normatifs au profit d'une « remise à plat » constante au cours de son enregistrement. Faut-il y voir une référence, et un demi-aveu au morne et terne Sounds of the Universe ? Si la dite modernité du son prête à de multiples interprétations (à nuancer), les premières écoutes de DM attestent, néanmoins, cette volonté d'offrir une sonorité différente, portée par un minimalisme dissonant, et le retour à un son vintage des plus dynamiques [3].
A l'image de Playing With The Angel, le premier single du groupe, Heaven, n'aura que timidement informé de la nouvelle teneur du futur album [4]. Pourtant Delta Machine a plusieurs arguments. Dès l'introductif Welcome to My World, puis sur Angel, la machine tend à surprendre l'auditeur désabusé : mélodies, voix de Gahan intacte, rythmes minimalistes et autres breaks. Passés un Secret To The End et un Should Be Higher qui devraient prendre tout leur sens en concert, Gore semble s'être nourri de ses expériences passées : sa récente collaboration avec Vince Clarke sur My Little Universe, ou son second album solo Counterfeit² sur The Child Inside, sans compter Slow et le final Goodbye évoquant respectivement les albums Songs Of Faith and Devotion et Violator.
Bonne surprise dans son ensemble, Delta Machine à défaut de totalement s'emballer, fait preuve d'une saine vitalité qu'on espérait plus de la part de ses auteurs depuis 2005.
Titres
01. Welcome to my world / 02. Angel / 03. Heaven / 04. Secret to the end / 05. My little universe / 06. Slow / 07. Broken / 08. The child inside / 09. Soft touch/raw nerve / 10. Should be higher / 11. Alone / 12. Soothe my soul / 13. Goodbye
Après un Anonymous (2007) qui n'aura jamais aussi bien porté son nom, le supergroupe Tomahawk, mené par le guitariste de The Jesus Lizard, Duane Denison, Mike Patton et le batteur John Stanier (Helmet, Battles), est revenu en début d'année avec Oddfellows. Enregistré en moins d'une semaine dans les studios de Dan Auerbach (Black Keys), et accompagné de leur nouveau bassiste, en la personne de Trevor Dunn, grand habitué des piges de luxe (cf. le dernier album des Melvins [5]), ce nouvel album s'avérait comme un retour inattendu (comprendre que plus personne ne l'attendait).
Composé de treize titres, Oddfellows contrairement au disque précédemment chroniqué se voit malheureusement handicapé par une production manquant clairement de tranchant. Si la fraîcheur et la versatilité vocale et instrumentale de Tomahawk n'est nullement remise en cause, les quatre musiciens apparaissant au contraire totalement en phase, le mixage de Collin Dupuis fait cruellement défaut : une copie incroyablement monotone (molle ?), à cent lieux de celle de Mit Gas (2003).
Constat d'autant plus cruel que l'album contient bon nombre de chansons susceptibles de plaire aux amateurs de Pattoneries en tout genre (The Quiet Few, Waratorium). L'ancien chanteur de Faith No More multiplie les effets, sans virer vers la caricature (désormais habituelle ?) ; de là à écrire qu'il s'agit d'une de ses meilleures performances depuis longtemps... De par son apparente « maturité », le disque explore ainsi les différentes facettes d'un rock décomplexé aux frontières opaques, rappelant à sa manière d'anciens réflexes appartenant au duo Patton / Dunn hérités du culte California (1999) de Mr Bungle (tel sur Rise up dirty waters).
Au final un bon album qui aurait mérité un bien meilleur traitement sonore. A voir en concert ce que pourrait donner le rendu d'Oddfellows, les musiciens seraient en effet partant pour entamer une tournée après celle de 2003.
Titres
01. Oddfellows / 02. Stone letter / 03. I.O.U. / 04. White hats / Black hats / 05. A thousand eyes / 06. Rise up dirty waters / 07. The quiet few / 08. I can almost see them / 09. South paw / 10. Choke neck / 11. Waratorium / 12. Baby let's play____ / 13. Typhoon
[1) Certes la maison de disque de Daniel Miller aura su garder une certaine indépendance au gré de ses différents propriétaires depuis le début des années 2000 : EMI, Universal et BMG, mais force est de constater que ces virements incessants ont desservi Mute, à l'image des nombreux Best Of que sortirent les majors sans l'accord des groupes.
[2] Soit alterner depuis le nuisible Exciter, les « mauvais » et bons disques avec une régularité de métronome.
[3] Ce qui tendrait de nouveau à donner un rôle fantoche à Ben Hillier, producteur des trois derniers albums de Depeche Mode ?
[4] Tel le prochain single Soothe My Soul, dansant et très early 80's. Dans un genre équivalent, Soft Touch / Raw Nerve aurait sans doute été plus pertinent.
[5] L'ancien bassiste Kevin Rutmanis ayant fait partie du groupe de King Buzzo le temps de la trilogie The Maggot / The Bootlicker / The Crybaby entre 1999 et 2000.
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