Eurociné 33 Champs-Elysées - Christophe Bier (2013)

« La vie amoureuse de l’homme invisible, Des filles dans une cage doréeDeux espionnes avec un petit slip à fleur, [...], Panther squad, ces films rapidement tournés, à très faible coût, exploités jusqu'au déclin des salles de quartier au milieu des années 80, ne sont pas plus exotiques pour nous qu'A bout de souffle et Les enfants du Paradis. Ce sont des œuvres françaises [...] produites par une seule firme : EUROCINÉ ». C'est par cette brillante introduction que le bienveillant Christophe Bier ouvre ce documentaire, qui fera date chez tous les amateurs de cinéma Bis. Diffusé en avant-première lors d'une des inénarrables soirées Cinéma Bis à la Cinémathèque française, et dans le cadre d'un double programme [1] consacré à cette sacro-sainte société de production hexagonale, Eurociné 33 Champs-Elysées n'est rien de moins qu'une œuvre de salut public, ou l'histoire de ce singulier studio français au rayonnement international. 

En complément à une précédente chronique, il était en effet grand temps que le préposé docteur s'attarde un moment sur le cas Eurociné, et son fameux fondateur Marius Lesoeur. Et si l'envie l'avait déjà titillée lors de la diffusion du dit documentaire, en présence de son auteur et de Daniel Lesoeur, un soir de mars 2013 (le 22 pour être précis), il aura néanmoins fallu sa publication en support DVD chez RDM Edition pour le pousser enfin à écrire ces quelques lignes. 

 

Entreprise familiale dirigée en 1957 par cet ancien forain, qui louait au départ du matériel pour les tournages de film (Une belle garce de Jacques Daroy), Eurociné connut son heure de gloire dans les années 60 et 70, époque bénie où l'appétit des salles de quartier connaissait peu de limite. Chantre du film d'exploitation fauché, peu d'amateurs de friandises déviantes savent néanmoins que Lesoeur père débuta à la fin des années 40 dans des productions plus grand public (Jésus la Caille avec Jeanne Moreau et écrit par Frédéric Dard ou Sursis pour un vivant avec Lino Ventura). Mais des difficultés avec des distributeurs poussèrent Marius à chercher de nouveaux collaborateurs à l'étranger, de l'autre côté des Pyrénées, à Barcelone. Avec ses associés espagnols et la société dont il venait de faire l'acquisition, rebaptisée Eurociné, Lesoeur père se lança dans la production des premiers westerns tournés en Europe (La charge des tuniques rouges, Cinq rafales pour Ringo). De ces premiers pas dans le cinéma dit de genre, la société située désormais au 33 Champs-Elysées devint le fer de lance d'une production débridée en marge de l'industrie et des structures du cinéma traditionnel français.

Auteur principal d'un Dictionnaire des longs métrages français pornographiques et érotiques en 16 et 35 mm, et grand initiateur du coffret en cinq volumes retraçant les vingts ans des soirées Bis précédemment citées, Christophe Bier nous narre les secrets de fabrication de cette firme (l'art délicat d'utiliser des séquences d'autres films ou en exclusivité mondiale les studios qui accueillirent les scènes les plus mémorables d'Eurociné). A travers les précieux témoignages de Daniel Lesoeur et les complices amusés (acteurs et cinéastes) de l'époque, Eurociné 33 Champs-Elysées fait revivre un temps révolu, quand la débrouillardise de Marius se conjuguait aux moyens limités de ses films, et où le seul réalisateur maison qui sut profiter de cette espace de liberté se prénommait Jesús Franco

 
L'ami Jean-Pierre Bouyxou et Monica Swinn, fameuse directrice du pénitencier dans Femmes en cage

Toujours en activité [2], Eurociné exploite son catalogue de films et reste présent sur les marchés internationaux. Son plus grand succès, Le lac des morts-vivants signé Jean Rollin par le pseudonyme J.A. Lazer, non content d'avoir été vendu à travers le monde, de l'Italie au Japon en passant par les Etats-Unis, connut l'année dernière une réédition Outre-Atlantique en Blu-Ray (au même titre que sa fausse séquelle L'abîme des morts-vivants). 

Documentaire salutaire, Eurociné 33 Champs-Elysées ravira autant les anciens cinéphiles que les nouveaux amateurs du cinéma de genre. 

Recommandé.



Eurociné 33 Champs-Elysées | 2013 | 67 min
Réalisation : Christophe Bier
Avec les témoignages de Daniel Lesoeur, Monica Swinn, Roger Darton, Jean-Pierre Bouyxou, Alain Deruelle, Gilbert Roussel, Patrice Rhomm
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[1] La projection du documentaire fut suivie par celle d'Une cage dorée (Des filles dans une cage dorée), film signé par le mystérieux A.M. Frank...

[2] Si le dernier film produit par Eurociné fut bien La chute des aigles (1989), réalisé par Jess Franco, la société comme dit plus haut continue d'exploiter son riche catalogue.

3 commentaires:

  1. A l'heure des grosses productions Comics sortant à la chaîne, il était grand temps que quelqu'un se dévoue (sic!) pour faire connaître aux plus jeunes, cette curiosité (française môssieur) que sont (étaient) les films Eurociné.
    Ayant découvert pour ma part mon premier film Eurociné par hasard chez ma grand-mère (re-sic!), quelle ne fut pas ma joie de découvrir cette année ce documentaire rendant un hommage simple et émouvant, mais jamais sans tomber dans l'ironie ou l'hommage pathos à tous ces films"uniques"... C'est tout à l'honneur de Christophe Bier, personnage lui-aussi bien atypique ;-)

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