Davantage associé au cinéma d'auteur dit de patrimoine, ce qui ne les empêche nullement à l'occasion de soutenir et distribuer dans les salles des films récents (Alleluia de Fabrice du Welz ou Mad Love in New York des frères Josh et Benny Safdie), Carlotta Films étoffe désormais son catalogue en initiant cette année une nouvelle série intitulée Midnight Collection, qui ravira les amateurs de cinéma d'exploitation. Référence évidente aux fameux Midnight movies des séances de minuit new-yorkaises où se rassemblaient une faune hétéroclite de cinéphiles venus se délecter de séries B (et autres films en marge), cette collection se remémore au bon souvenir du glorieux temps de la VHS avec la sortie d'une première vague de films au format DVD et Blu-ray le 6 juillet prochain, comprenant The Exterminator et Blue Jean Cop de James Glickenhaus, Maniac Cop de William Lustig et Le scorpion rouge de Joseph Zito, avant une seconde vague le 24 août avec une spéciale Frank Henenlotter à travers sa trilogie Basket Case et son Frankenhooker.
Auteur d'un premier film au mitan des années 70 The Astrologer, avant de quitter le cinéma pour le monde de la finance vingt ans plus tard, le metteur en scène étasunien James Glickenhaus apparaît être le fil conducteur de cette Midnight Collection. Réalisateur des deux films précités, ce dernier fut également producteur de quatre autres longs métrages de la dite collection dont les deux séquelles de Frank Henenlotter [1].
Amis et vétérans de la guerre du Vietnam, Michael Jefferson (Steve James) et John Eastland (Robert Ginty) travaillent désormais comme manutentionnaires dans un entrepôt prêt du port de New-York. Un matin, Eastland surprend des voyous en train de voler des caisses de bières. Rejoint par Jefferson tandis qu'il était en mauvaise posture, les deux hommes viennent à bout des voleurs et leur donnent une correction. Mais quelques heures plus tard, Jefferson se fait agresser brutalement par le même gang. Incapable de supporter l'état de santé de son ami, devenu tétraplégique et sous assistance respiratoire, et face à l'inaction de la police, Eastland décide de faire justice lui-même.
Sorti en septembre 1980, Le droit de tuer dans sa version française, aura attendu pas moins de deux années avant d'être distribué dans les salles françaises, sa réputation sulfureuse outre-Atlantique n'y étant sans doute pas étrangère. Sur un scénario original écrit par le metteur en scène lui-même, The Exterminator fut taxé à l'époque de n'être qu'une copie ultra-violente et sadique (on y reviendra) du séminal (et déjà controversé) Death Wish avec Charles Bronson sorti six ans plus tôt. Or si la filiation avec le vigilante de Michael Winner n'est pas mensongère, l'agression introductive jouant le rôle de déclencheur à cette soif d'auto-justice, le long métrage pointe néanmoins davantage du côté du Taxi Driver de Martin Scorsese [2]. Avec une histoire cachant difficilement de fortes ressemblances, clins d'œil, et plus si affinités, The Exterminator est dans les faits une pure relecture bis du scénario de Paul Schrader (du moins sa seconde partie), ou la quête vengeresse à New-York d'un vétéran du Vietnam. Dès lors, le film ne s'embarrasse pas de considérations psychologiques, et va, comme tout bon film d'exploitation, à l'essentiel, quitte à forcer le trait, faire fi des incohérences, manier l'art de l'ellipse dans ses derniers retranchements, et enfin saupoudrer le tout de scènes choc.
Comme dit plus haut, en dépit de critiques assassines l'assimilant à une ultime version dégénérée d'Un justicier dans la ville, le film fut un succès surprise au box office US, succès qui se prolongea avec le marché naissant de la VHS (et qui sera suivi quatre ans plus tard par une séquelle). Quant aux griefs précités, ces derniers sont quasi hors sujet, The Exterminator s'éloignant suffisamment des thématiques nauséabondes du film auquel les critiques voulaient le comparer. Tant sur le fond [3], que sur la forme (un film d'exploitation), le deuxième long métrage James Glickenhaus n'avait de prime abord nulle vocation à faire l'apologie de quoi que ce soit, sauf flatter les plus bas instincts voyeuristes d'un public gourmand venu chercher sa dose de transgression. Dont acte. Et à défaut de tout voir (le film ne verse jamais dans le gore), le spectateur, à l'instar de John Eastland, va très vite être plongé dans un monde interlope et glauque (jusqu'à croiser la route d'un sénateur pédophile dans un « poulailler »). Faisant preuve d'une certaine complaisance pour le malsain, Glickenhaus transforme ainsi la dérive meurtrière de son personnage principal en un abécédaire du parfait sadique appliqué à la racaille « chère » à Travis Bickle : voyou dévoré par des rats, parrain de la mafia haché menu dans un broyeur, etc.
Limité par son budget restreint, The Exterminator aurait sans doute gagné à plus d'action ou de tension. Qu'importe. Glickenhaus n'est pas Carpenter. Mais le contrat est rempli dans son ensemble. Dommage que l'enquête policière, ou ce qui s'en rapproche, menée par Christopher George [4] apporte peu, à l'image de sa dispensable romance avec Samantha Eggar (Chromosome 3), de même que la sous-exploitation de l'intervention (prévisible) de la cuistre CIA aux ordres d'un gouvernement en fin de mandat, ce dernier voyant d'un mauvais œil l'existence d'un justicier venant contredire la supposée baisse affichée de la criminalité [5].
Avec un exterminator interprété par un Robert Ginty des plus anonymes, les plus magnanimes pourront invoquer que son manque de charisme est en adéquation avec cet anti-héros au trait volontairement banal [6], le film est également connu des initié.e.s pour avoir offert à Steve James, avant ses futures années Cannon, son premier véritable rôle, après plusieurs figurations dont une dans le culte Les guerriers de la nuit de Walter Hill l'année précédente (où il jouait un des membres des Baseball Fury). Mieux, The Exterminator permit à son metteur en scène de rassembler autour de lui une équipe, dont Joe Renzetti à la musique et Robert M. Baldwin à la photographie, techniciens que l'on retrouvera plus tard dans des films réalisés ou produits par ses soins (The Soldier, Basket Case 2, Frankenhooker). Enfin, pour conclure avec le parallèle Taxi Driver et son ambiance jazzy, ajoutons ici la présence du saxophoniste Stan Getz, le temps d'une courte apparition.
De l'authentique film d'exploitation.
N.B : Pour célébrer la sortie en Blu-ray & DVD de cette nouvelle collection, Carlotta Films organise sur Paris au cinéma Max Linder la projection de The Exterminator de James Glickenhaus (en VF), plus diffusion de courts-métrages et bandes-annonces d'époque, etc (plus de renseignements ici).
N.B #2: Quatre ans plus tard, son producteur, Mark Buntzman, réalisa une séquelle à The Exterminator pour la Cannon, avec de nouveau Robert Ginty dans le rôle titre, et les débutants Mario Van Peebles et John Turturro (figuration).
Crédits photo : © 1980 The Interstar Corporation
The Exterminator (Le droit de tuer) | 1980 | 99 min
Réalisation : James Glickenhaus
Production : Mark Buntzman
Scénario : James Glickenhaus
Avec : Robert Ginty, Christopher George, Samantha Eggar, Steve James
Musique : Joe Renzetti
Directeur de la photographie : Robert M. Baldwin
Montage : Corky O'Hara
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[1] Glickenhaus fut le producteur et producteur exécutif des deux suites de Basket Case, du Frankenhooker de Frank Henenlotter, ainsi que du Maniac Cop de William Lustig.
[2] Les amateurs de divagations capillotractées pourraient également voir Le droit de tuer comme une pré-version urbaine et alternative du Rambo de Ted Kotcheff sorti deux ans plus tard.
[3] Si le traumatisme post-Vietnam n'excuse pas tout, l'argument est toutefois plus digeste que la conversion d'un ancien pacifiste et objecteur de conscience en justicier à la petite semaine.
[4] La même année, ce dernier interpréta le journaliste Peter Bell dans le classique de Lucio Fulci, Frayeurs.
[2] Les amateurs de divagations capillotractées pourraient également voir Le droit de tuer comme une pré-version urbaine et alternative du Rambo de Ted Kotcheff sorti deux ans plus tard.
[3] Si le traumatisme post-Vietnam n'excuse pas tout, l'argument est toutefois plus digeste que la conversion d'un ancien pacifiste et objecteur de conscience en justicier à la petite semaine.
[4] La même année, ce dernier interpréta le journaliste Peter Bell dans le classique de Lucio Fulci, Frayeurs.
[5] Parallèle qui ne manque pas de piquant, le film est sorti quelques semaines avant la dite élection de 1980. Delà à penser que Glickenhaus se posait comme un opposant à Jimmy Carter, espérant le « retour de l'Amérique », en référence au slogan de campagne de Ronald Reagan...
[6] Attention piège : le motard pyromane sur l'affiche n'est pas Ginty, comme on pouvait s'en douter rapidement !
[6] Attention piège : le motard pyromane sur l'affiche n'est pas Ginty, comme on pouvait s'en douter rapidement !
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