Deux années. Deux longues années à patienter (?!) la suite de Cinquante nuances de Grey, soit l'un des plus beaux navets de 2015. Adaptation du deuxième volet de la série, Cinquante nuances plus sombres, promettait... que pouvait-il raisonnablement promettre ? Hormis autant de rentabilité pour ces producteurs, compte tenu du bouche-à-oreille catastrophique du premier chapitre, et d'un accueil critique toujours aussi unanimement peu favorable. Or la franchise pouvait fort heureusement compter sur la communauté des admiratrices de la trilogie, permettant à ces nuances plus sombres d'atteindre la septième place (à l'heure actuelle) du film le plus rentable de l'année en cours [1]. Fort d'une accroche propre à bouleverser nos réserves, "Chaque conte de fée a une face sombre", et d'un distributeur, Universal, dans son rôle de camelot prêt à tout pour nous fourguer sa marchandise frelatée, nous promettant ainsi plus de thriller, Cinquante nuances plus sombres s'annonçait donc sous les meilleurs auspices. Pouf pouf. Mais n'allons pas trop vite...
Convaincue de son incompatibilité avec Christian Grey (Jamie Dornan), Anastasia (Dakota Johnson), a débuté depuis sa rupture un travail d'assistante à la maison d'édition SPI. Lors de l'exposition de photos de son ami José, Ana apprend que les six portraits d'elle-même ont été vendus à un seul homme, Christian, car ce dernier lui explique qu'il n'aime pas que des étrangers la fixent. Christian l'invite à dîner, Ana accepte parce qu'elle a faim [2], lui indiquant qu'ils ne feront que parler. Au cours du tête-à-tête, Christian lui demande de renégocier les termes, acceptant l'idée avoir avec Ana une « relation vanille » [3], et de n'avoir plus de secrets entre eux. Tandis que leur liaison passionnée recommence, Ana découvre qu'elle est suivie par une mystérieuse jeune femme, une ancienne soumise de Christian...
"Que veux-tu, Anastasia ?"
Après un premier film salué en ces lieux pour sa romance rance, son érotisme insipide et sa morale nauséabonde, Cinquante nuances plus sombres avait toutes les cartes en main pour ne pas décevoir les amateurs de déviance cinématographique. D'un scénario adapté du roman éponyme par le propre époux de E. L. James, Niall Leonard, nous avions dès le départ la promesse d'une récolte potagère sinon fructueuse, du moins potentiellement riche en rebondissements nazebroques. ET nous ne fumes en rien désenchantés devant tant d'ébauches involontairement vaines. Échouant lamentablement dans tous les domaines, ersatz de soap opera prétendument sulfureux dans sa première partie usant de grosses ficelles (le chef d'Ana s'appelle Mr Hyde... cacherait-il son jeu derrière ses airs courtois ?), le film tend, comme annoncé dans sa seconde moitié, vers un thriller dont on cherchera en vain la moindre once de suspense, avant de sombrer définitivement vers une croquignolette imitation de film catastrophe.
"Tu dois d'abord les mouiller..."
Lectrice fleur bleue d'Austen et Brontë attendant son Darcy, la godiche Ana remet donc le couvert avec son prédateur sexuel plein aux as devenu romantique pour la bonne cause. Soit. Il faut dire que notre homme dépourvu de charisme n'a pas ménagé ses efforts pour reconquérir l'élu de son petit cœur meurtri, car voici le temps venu des révélations et des rectifications : "Je ne suis pas un dominant. Je ne le suis pas. Le terme exact est sadique". Rassuré(e) ? D'autant plus que Cricri nous offre un cours de psychologie pour les nuls des plus brillants afin de nous expliquer les causes de ses « cinquante nuances de tourments » : "Ma mère est morte quand j'avais quatre ans. Elle était droguée au crack. Tu peux deviner le reste". CQFD. Notre homme avoue donc n'éprouver de la jouissance qu'en punissant les femmes qui ressemblent à sa mère. Une confession qui ne fait nullement fuir Ana, bien au contraire, car différence notable avec le pathétique Frank Zito de Maniac avec qui il partage le même type d'enfance maltraité, Grey fut adopté par des notables de Seattle, lui offrant dès lors une position sociale prédominante et une totale immunité. Devenu une version javellisée de Patrick Bateman [4], Grey peut s'épanouir à bon escient en abusant celles qui lui rappelle sa défunte et méchante mère. Limpide. Attention toutefois aux soumises qui dépasserait les règles dictées par leur bon maître telle la dénommée Leila Williams. Vous pensiez avoir touché le fond en matière de morale, Cinquante nuances plus sombres en redéfinit la profondeur !
"Si je gagne, tu m'emmènes dans la salle rouge"
Doté de dialogues de haute volée, et d'une interprétation au ras des pâquerettes [5], soit dans la continuité du premier épisode, Cinquante nuances plus sombres distille la même ambiance grotesque et ennuyeuse. Contrat rempli. En attendant avec impatience (encore ?!) Cinquante nuances plus claires programmé pour février 2018 ou la revanche de Jack Hyde...
Fifty Shades Darker (Cinquante nuances plus sombres) | 2017 | 118 min
Réalisation : James Foley
Scénario : Niall Leonard d'après le roman éponyme de E. L. James
Avec : Dakota Johnson, Jamie Dornan, Eloise Mumford, Luke Grimes, Max Martini, Kim Basinger, Marcia Gay Harden, Eric Johnson
Musique : Danny Elfman
Directeur de la photographie : John Schwartzman
Montage : Richard Francis-Bruce
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[1] Notre agent comptable a ressorti sa calculette : le long métrage aura remporté près de sept fois la mise de fond, soit tout de même deux fois moins que le premier volet ! Attention à la dégringolade pour le troisième !!
[2] Phrase tirée des dialogues originaux : "Viens dîner avec moi". "D'accord. Je vais dîner avec toi. Parce que j'ai faim. Mais on ne fera que parler."
[3] La vanille pour les allergiques à la guimauve.
[4] Pour la critique du consumérisme et du capitalisme, vous repasserez...
[5] En faisant référence à 9 semaines ½, qui imaginait de trouver au casting Kim Basinger...
Cinquante nuances plus sombres... Ou l'équivalent d'"un suppôt et au lit" ! ^^
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