A l'image de son soap opera gothique Dark Shadows, diffusé aux États-Unis de 1966 à 1971, puis une adaptation [1] au cinéma par Tim Burton en 2012, Dan Curtis fut l'une des figures incontournables du genre fantastique à la télévision américaine dans les années 70's. L'équivalent pour le petit écran de ce que fut la Hammer durant les décennies 50's-60's, ce producteur, réalisateur et scénariste fut à l'initiative d'un grand nombre d'adaptations des grands mythes du fantastique : Dracula, Frankenstein, loup-garou, zombies et autres figures du genre (Dorian Gray), en s'associant également, à l'instar de Roger Corman, avec le grand Richard Matheson sur plusieurs projets. Après plusieurs années consacrées au petit écran, dont deux téléfilms en 1975, l'horrifique Trilogy of terror (coécrit avec l'auteur précité de Je suis une légende) et The Kansas City Massacre, second spin-off pour la télévision du Dillinger de John Milius avec Warren Oates, Dan Curtis revint finalement au cinéma l'année suivante avec Burnt Offerings, sa troisième réalisation après House of Dark Shadows (1970), long métrage adapté de son soap opera à succès, suivi de sa séquelle Night of Dark Shadows (1971).
A la recherche d'une maison en location pour leurs vacances d'été, la famille Rolfe répond à l'annonce publiée par Arnold (Burgess Meredith) et Roz Allardyce (Eileen Heckart). Marian (Karen Black), son époux Ben (Oliver Reed), et leur fils Davey (Lee H. Montgomery) découvrent sur place une immense demeure
victorienne, pour lequel les deux vieillards ne demandent qu'un loyer de 900 $ pour tout l'été. Seule condition, la famille devra s'occuper durant leur séjour de leur vieille mère, qui ne quitte jamais sa chambre, en lui préparant trois fois par jour un repas servi sur un plateau. Le 1er jour de juillet, comme convenu, la famille Rolfe accompagnée de la tante de Ben, Elizabeth (Bette Davis), emménagent dans la demeure. En charge des repas, Marian devient rapidement obsédée par la maison, passant la majeure partie de son temps libre dans la pièce à côté de la chambre de la vieille dame, où elle passe des heures à contempler la vaste collection de
photos de madame Allardyce, tandis que d'autres événements étranges commencent à survenir...
Adaptation du roman éponyme de Robert Marasco publié en 1973, Burnt Offerings est un des rares représentants du genre horrifique associé à la maison vivante. Cousine germaine de la maison hantée popularisée par The Haunting de Robert Wise en 1963, et en attendant la demeure possédée par un esprit démoniaque trois ans plus tard avec The Amityville Horror [2] par Stuart Rosenberg, ladite maison vivante a comme principale particularité de prendre le contrôle et d'absorber l'énergie vitale de ses occupants. A cette définition, ajoutons en guise de complément que celle-ci provoque divers incidents et accidents dont la gravité s'accroit au fil des jours, ces derniers lui permettant de "prendre soin d'elle-même", comme le confia mystérieusement la fratrie Allardyce.
Les quatre membres de la famille Rolfe subissent ainsi, à des degrés divers, chacun, la néfaste emprise de la maison. Tourmenté par un cauchemar provenant de son enfance au sujet de l'enterrement de sa mère, Ben souffre depuis le début de son séjour d'hallucinations nées du souvenir menaçant de l'ancien chauffeur du corbillard (incarné par Anthony James, figure récurrente du bad guy dans les séries des années 60's-80's [3]). Son fils David frôle la mort à plusieurs reprises, dont une par noyade, dans la piscine de la résidence, provoquée par son propre père en quasi-transe. Enfin, d'abord atteinte de fatigue chronique, la santé d'Elizabeth se dégrade rapidement après s'être disputée avec Marian, celle-ci changeant de personnalité, tant mentalement que physiquement, à mesure qu'elle s'occupe de son étrange et invisible bienfaitrice.
Thriller subtil marqué sa lente progression vers l'horreur, les divers incidents cités plus haut alimentant peu à peu la paranoïa
des personnages, Burnt Offerings se distingue également par son atmosphère onirique (et l'usuel effet Hamiltonien du voile flou blanc), soutenue par la musique cauchemardesque composée par le fidèle complice de Dan Curtis, Robert Cobert. Film porté par les prestations convaincantes d'Oliver Reed et Bette Davis (on restera plus mesuré sur celle de Karen Black [4]), la mise en scène pourra paraître quatre décennies des plus classiques, trahissant sans nul doute les activités télévisuelles de Curtis, à l'instar d'une histoire, somme toute, prévisible. Qu'importe. C'était sans compter un dénouement dramatique refusant le happy end, et l'impact du sourire carnassier d'Anthony James, valant autant, sinon plus, qu'un effet gore qui n'aurait sans nul doute la même persistance rétinienne. On notera enfin que si le livre originel influença, de son propre aveu, Stephen King et son roman Shining, la véritable demeure où fut tourné le long-métrage fut par la suite utilisée par Don Coscarelli et son Phantasm trois ans plus tard.
A (re)découvrir.
En bonus : Quelques gifs supplémentaires du film sur notre tumblr.
Burnt Offerings (Trauma) | 1976 | 116 min | Couleurs | 1.85 : 1
Réalisation : Dan Curtis
Production : Dan Curtis
Scénario : William F. Nolan et Dan Curtis d'après le roman éponyme de Robert Marasco
Avec : Karen Black, Oliver Reed, Bette Davis, Burgess Meredith, Eileen Heckart, Lee Montgomery, Anthony James
Musique : Bon Cobert
Directeur de la photographie : Jacques R. Marquette
Montage : Dennis Virkler
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[1] La série connut un premier remake télévisuel au début des années 90's au succès très mitigé.
[2] On applaudira au passage l'inspiration des distributeurs français : les films de Robert Wise et Stuart Rosenberg portent quasiment le même nom, La maison du diable, le long-métrage de Rosenberg ayant droit en guise de différenciation à un Amytiville en début de titre.
[2] On applaudira au passage l'inspiration des distributeurs français : les films de Robert Wise et Stuart Rosenberg portent quasiment le même nom, La maison du diable, le long-métrage de Rosenberg ayant droit en guise de différenciation à un Amytiville en début de titre.
[3] On se souviendra également de sa présence dans les deux films réalisés par Clint Eastwood, L'homme des hautes plaines (1973) et Impitoyable (1992).
[4] Karen Black joua l'année précédente dans les sketches qui composaient le Trilogy of Terror de Dan Curtis.
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