Grand maître du film de sabre chinois, King Hu fit connaitre le wuxia pan au-delà des seules frontières asiatiques. A Touch A Zen (1971) fut ainsi la première œuvre chinoise récompensée au Festival de Cannes en 1975. Or, en dépit de cette reconnaissance internationale méritée, les succès populaires et critiques de L'hirondelle d'or (1966) et de Dragon Inn (1967), au cours de la décennie précédente, faisaient désormais partie du passé pour le cinéaste chinois. Après l'échec commercial d'A Touch of Zen, et les accueils tout aussi mitigés de ses deux films suivants, King Hu prenait le risque de ne plus pouvoir financer ses nouveaux projets. Profitant de la nouvelle politique d'aide du gouvernement sud-coréen pour attirer les tournages sur son territoire, le réalisateur put se lancer dans la production de deux nouveaux longs-métrages, Raining in the Mountain, puis La légende de la montagne, projet autrement plus ambitieux, évoquant aussi bien l'envergure du désormais classique de 1971, que les mêmes mésaventures de ce dernier lors son exploitation en salles... Pour la première fois en Blu-ray et DVD en version intégrale et restaurée ce 9 mai 2018.
He Yun-Tsing (Shis Chun) est missionné par le monastère Haiying pour recopier le sutra Mudra, un canon bouddhiste qui permettrait de délivrer les âmes errantes de la détresse. Pour mener à bien cette tâche, les moines lui suggèrent de se retirer dans un endroit isolé, la citadelle du nord, au cœur de la montagne. Yun-Tsing y est accueilli par M. Tsui (Tung Lin), le secrétaire du général Han, auquel il remet une lettre de recommandation signée par le moine Hui Ming. Sur place, Yun-Tsing fait la connaissance de Mme Wang (Rainbow Hsu), et de sa fille Melody (Hsu Feng)...
Huit années avant Histoire de fantômes chinois, produit par Tsui Hark, l'un de ses disciples, King Hu signait avec La légende de la montagne un film fleuve à la croisée du conte surnaturel et de la fable philosophique. Second œuvre réalisée en Corée du Sud, dans la foulée de Raining in the Mountain, sur une période de onze mois entre 1977 et 1978 [1], avec les mêmes acteurs, la même équipe technique, et tourné sur les mêmes lieux, le long-métrage se distinguait toutefois des précédentes productions de Hu. D'un scénario écrit par l'épouse du cinéaste, Chung Ling, inspiré d'une histoire de fantômes datant de la Dynastie Song [2] (entre 960 et 1279), La légende de la montagne se signalait également par sa forme singulière.
De ces choix radicaux, à l'opposé des attentes des producteurs, La légende de la montagne connut le même sort malheureux qu'A touch of Zen. Conçu à l'origine pour une durée de trois heures, le film fut remonté par le réalisateur dans une version tronquée de cent douze minutes. Mal distribué à l'étranger [4], pâtissant de l'accueil (une fois encore) mitigé du public hongkongais, la version intégrale de La légende de la montagne fut découverte bien après la mort de King Hu, dans la collection qu'il fit don aux Archives du film de Taiwan. Restauré et réévalué depuis, le long-métrage est désormais considéré comme le dernier classique de Hu.
Huit années avant Histoire de fantômes chinois, produit par Tsui Hark, l'un de ses disciples, King Hu signait avec La légende de la montagne un film fleuve à la croisée du conte surnaturel et de la fable philosophique. Second œuvre réalisée en Corée du Sud, dans la foulée de Raining in the Mountain, sur une période de onze mois entre 1977 et 1978 [1], avec les mêmes acteurs, la même équipe technique, et tourné sur les mêmes lieux, le long-métrage se distinguait toutefois des précédentes productions de Hu. D'un scénario écrit par l'épouse du cinéaste, Chung Ling, inspiré d'une histoire de fantômes datant de la Dynastie Song [2] (entre 960 et 1279), La légende de la montagne se signalait également par sa forme singulière.
Fort de ses expérimentations sur A Touch of Zen, King Hu mit au premier plan son approche sur la durée. Là où "le public demande de l'action [...], je donne une expérience du temps" confiait-il à ce sujet. Se focalisant davantage sur les personnages, les décors et ce climat surnaturel (le film est baigné par un épais voile de brumes colorées), King Hu se désolidarisait d'une certaine manière de l'intrigue et de l'action propre au genre wuxia, au profit des scènes de dialogues et de la relation qui unit les hommes aux fantômes, ceux-ci interprétés par son actrice fétiche, Hsu Feng, réincarnation d'un esprit maléfique, et par la jeune Sylvia Chang, sa rivale qui vieille sur Yun-Tsing. Moins épique que ses précédents longs-métrages, la seconde partie n'en demeure pas moins ainsi remarquable par son emploi du rythme et de la tension, par exemple lors des scènes de batailles entre le lama et Melody, Hu confirmant au besoin son habilité à jouer avec le temps, tantôt dilaté, tantôt accéléré, au gré des besoins du récit. Stylisée à l'extrême, la photographie signée par le fidèle Henry Chan s'inscrit dans le même mouvement. Mieux, influencés par l'empreinte fantastique sur l'histoire, les plans sont autant marqués par des effets visuels qui magnifient les paysages coréens, qu'ils jouent avec les éléments, tels que la lumière, l'eau ou plus généralement la nature [3].
De ces choix radicaux, à l'opposé des attentes des producteurs, La légende de la montagne connut le même sort malheureux qu'A touch of Zen. Conçu à l'origine pour une durée de trois heures, le film fut remonté par le réalisateur dans une version tronquée de cent douze minutes. Mal distribué à l'étranger [4], pâtissant de l'accueil (une fois encore) mitigé du public hongkongais, la version intégrale de La légende de la montagne fut découverte bien après la mort de King Hu, dans la collection qu'il fit don aux Archives du film de Taiwan. Restauré et réévalué depuis, le long-métrage est désormais considéré comme le dernier classique de Hu.
Entouré des acteurs clés de son cinéma, King Hu livre avec La légende de la montagne un conte ésotérique d'une rare beauté, que la durée ne devrait pas faire peur aux plus téméraires et aux amateurs de cinéma asiatique.
Crédit photos : La légende de la montagne © 1978 First Organisation Ltd. / First Distributors (HK) Limited. Tous droits réservés. Restauration © 2016 Taïwan Film Institute. Tous droits réservés.
Shan zhong zhuan qi (La légende de la montagne) | 1979 | 192 min | 2.35 : 1 | Couleurs
Réalisation : King Hu
Production : King Hu et Wong Cheuk Hon
Scénario : Chung Ling
Avec : Hsu Feng, Sylvia Chang, Shis Chun, Tung Lin, Tien Feng, Wu Ming-Tsai, Rainbow Hsu, Sun Yueh
Musique : Ng Ai Kong
Directeur de la photographie : Henry Chan
Montage : King Hu
Costumes : King Hu
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[1] Pour décourager les opportunistes et ainsi pouvoir prétendre aux subventions coréennes, les sociétés étrangères de production se devraient de tourner au moins deux films. Conditions supplémentaires, des techniciens et acteurs coréens devaient être également employés.
[2] Tandis que la dynastie de prédilection du cinéaste a toujours été les Ming.
[3] Les relations sexuelles entre He Yun-Tsing et Melody sont ainsi suggérées par ce biais.
[4] Les sous-titres anglais furent traduit en argot américain.
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