Figure de la nouvelle vague taïwanaise, au côté de Hou Hsiao-hsien et de Tsai Ming-liang, Edward Yang, disparu à seulement 59 ans en 2007, aura donc attendu l'an 2000 et son dernier long métrage, Yi Yi, Prix de la mise en scène au festival de Cannes de cette même année, pour obtenir enfin une reconnaissance internationale. Salué par ses pairs dès son premier long métrage, Hai tan de yi tian, en 1983, Edward Yang réalise en 1991, sans conteste, son chef d'œuvre, A Brighter Summer Day. Primé au festival des Trois continents dans la catégorie Prix de la mise en scène [1], ce quatrième long métrage se démarque des films réalisés lors de la décennie précédente par son ampleur affichée. D'une durée de presque quatre heures, avec la participation de près d'une centaine d'acteurs, Edward Yang livre avec cet ambitieux A Brighter Summer Day autant une fresque romanesque qu'un témoignage cru sur un pan occulté de l'histoire de Taïwan. Disponible désormais En Blu-ray et DVD le 5 décembre 2018 en version intégrale inédite et restaurée 4K
Abordant de front le passé trouble de Taïwan, le scénario évoque dès son préambule la question politique de l'intégration des millions de Chinois, qui ont fui la partie continentale, après la défaite de Chiang Kai-shek par les communistes en 1949. A l'image du personnage principal Xiao Si’r appartenant à cette première génération d'expatriés, de nombreux enfants trouveront une forme de sécurité et d'identité en intégrant des gangs de rue, face au futur incertain et au désarroi de leurs parents.
D'un long métrage dont les phases de préproduction et de production auront duré quasiment trois ans, Edward Yang, en dépit des moyens mis à sa disposition, l'industrie cinématographique taïwanaise connaissant une sérieuse récession depuis la fin des années 80, put compter paradoxalement sur l'inexpérience de son équipe technique et des jeunes acteurs engagés. Passant plus d'un an à travailler avec ces derniers, le cinéaste put préparer avec soin cette reconstitution du passé Taïwanais caractérisé à la fois par l'opposition entre les natifs de l'ex-Formose et ces immigrés chinois, et par l'oppression du Kuomintang envers les Waisheng Ren provenant du continent, tel le père de Xiao Si’r, qui devra justifier ses anciennes relations auprès de la police secrète.
De ces récits intimistes entrecroisés d'amours, d'éveils à la sexualité et de rivalités adolescentes, A Brighter Summer Day dépeint avec réalisme et sensibilité le désarroi d'une jeunesse confronté à un pays en plein bouleversement, tiraillé entre la culture des parents, les restes de la récente colonisation japonaise et l'appel à la modernité incarnée par la culture étasunienne dont la musique [3] et le cinéma offrent un écho particulier à cette jeunesse désorientée. Non dénué de moments de quiétude et de poésie rappelant l'influence formelle du maitre japonais Yasujiro Ozu sur la nouvelle vague insulaire (à l'instar d'un HHH), le film décrit dès lors à mesure la lente évolution du jeune Xiao Si’r, de son amitié avec la bande du parc, ses sentiments naissants pour la douce Ming jusqu'au dénouement tragique.
Un classique à (re)découvrir dans sa version intégrale [4].
Taïwan, 1960. Le jeune Xiao Si’r (Chen Chang) entre au lycée et fait les quatre cents coups avec ses amis. Autour d'eux s'affrontent deux bandes rivales, les Bensheng Ren du 217 et les Waisheng Ren des Garçons du Petit Parc, mais Xiao Si’r se tient éloigné de leurs agissements, jusqu'au jour où il fait la connaissance de Ming (Lisa Yang), dont il tombe amoureux. Or celle-ci est la petite amie de Honey (Lin Hong-ming), leader du second gang…
Sorti deux années après La cité des douleurs de HHH qui retraçait le début de la Terreur blanche et l'établissement de la loi martiale sur l'île par le Kuomintang, A Brighter Summer Day s'inscrit, dans ce même élan de mémoire, en situant le récit au tournant des années 60. D'un long métrage au titre originel, L'affaire du jeune meurtrier de la rue Guling, référence à un fait divers qui défraya la chronique au début de cette décennie et auquel le cinéaste fut témoin indirect [2], Edward Yang fait conjuguer, on l'aura compris, la petite et grande histoire au gré de ses souvenirs quand celui-ci n'était qu'un jeune adolescent.
Sorti deux années après La cité des douleurs de HHH qui retraçait le début de la Terreur blanche et l'établissement de la loi martiale sur l'île par le Kuomintang, A Brighter Summer Day s'inscrit, dans ce même élan de mémoire, en situant le récit au tournant des années 60. D'un long métrage au titre originel, L'affaire du jeune meurtrier de la rue Guling, référence à un fait divers qui défraya la chronique au début de cette décennie et auquel le cinéaste fut témoin indirect [2], Edward Yang fait conjuguer, on l'aura compris, la petite et grande histoire au gré de ses souvenirs quand celui-ci n'était qu'un jeune adolescent.
Abordant de front le passé trouble de Taïwan, le scénario évoque dès son préambule la question politique de l'intégration des millions de Chinois, qui ont fui la partie continentale, après la défaite de Chiang Kai-shek par les communistes en 1949. A l'image du personnage principal Xiao Si’r appartenant à cette première génération d'expatriés, de nombreux enfants trouveront une forme de sécurité et d'identité en intégrant des gangs de rue, face au futur incertain et au désarroi de leurs parents.
De ces récits intimistes entrecroisés d'amours, d'éveils à la sexualité et de rivalités adolescentes, A Brighter Summer Day dépeint avec réalisme et sensibilité le désarroi d'une jeunesse confronté à un pays en plein bouleversement, tiraillé entre la culture des parents, les restes de la récente colonisation japonaise et l'appel à la modernité incarnée par la culture étasunienne dont la musique [3] et le cinéma offrent un écho particulier à cette jeunesse désorientée. Non dénué de moments de quiétude et de poésie rappelant l'influence formelle du maitre japonais Yasujiro Ozu sur la nouvelle vague insulaire (à l'instar d'un HHH), le film décrit dès lors à mesure la lente évolution du jeune Xiao Si’r, de son amitié avec la bande du parc, ses sentiments naissants pour la douce Ming jusqu'au dénouement tragique.
Un classique à (re)découvrir dans sa version intégrale [4].
Crédit photos : A BRIGHTER SUMMER DAY © 1991 KAILIDOSCOPE… Tous droits réservés
Gu ling jie shao nian sha ren shi jian (A Brighter Summer Day) | 1991 | 236 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Edward Yang
Scénario : Hung Hung, Ming-tang Lai, Edward Yang, Alex Yang
Avec : Chen Chang, Lisa Yang, Kuo-chu Chang, Elaine Jin, Chi-zan Wong, Chih-kang Tan
Directeurs de la photographie : Hui Kung Chang, Longyu Zhang
Montage : Po-Wen Chen ___________________________________________________________________________________________________
[1] Le film fut également récompensé au Festival international du film de Tokyo (Prix spécial du jury), à l'Asia-Pacific Film Festival (Meilleur long métrage) et Golden Horse Film Festival and Awards (Meilleur long métrage et Meilleur scénario original).
[2] Le fait divers s'est produit dans le lycée du réalisateur quand il avait quatorze ans à l'époque.
[3] Le titre anglais du film est tiré des paroles de la chanson d'Elvis Presley, Are You Lonesome Tonight ?.
[4] Le long métrage fut exploité en salles lors de sa sortie hexagonale en 1992 dans une version réduite d'une heure.
[2] Le fait divers s'est produit dans le lycée du réalisateur quand il avait quatorze ans à l'époque.
[3] Le titre anglais du film est tiré des paroles de la chanson d'Elvis Presley, Are You Lonesome Tonight ?.
[4] Le long métrage fut exploité en salles lors de sa sortie hexagonale en 1992 dans une version réduite d'une heure.
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