Quatrième long métrage du réalisateur étasunien Hal Ashby, deux ans après La dernière corvée avec Jack Nicholson, Shampoo fut l'un des plus grands succès publics de ce réalisateur, quelque peu oublié [1], longtemps associé au Nouvel Hollywood. Produit, coécrit et interprété par Warren Beatty, cette comédie, supposée capillaire, si on en croit son titre, narre les aventures d'un Don Juan contemporain à Los Angeles à la veille de l'élection présidentielle de 1968. Disponible en Blu-ray et DVD le 6 mai prochain, dans sa version restaurée 4K, Shampoo n'en demeure pas moins, sous son verni faussement léger, une critique douce-amère des mœurs sexuelles et sociales de la fin des années 1960. Mais n'allons pas trop vite.
Novembre 1968. Coiffeur pour femmes dans un salon de Beverly Hills, George Roundy (Warren Beatty) a toujours usé de ses charmes pour séduire sa clientèle. C'est par ce biais-là qu'il a rencontré sa petite amie Jill (Goldie Hawn), sa maîtresse Felicia (Lee Grant) et son ex-petite amie Jackie (Julie Christie). Sexuellement comblé, George est pourtant professionnellement frustré : simple employé, il ambitionne d'ouvrir son propre salon de coiffure...
D'un scénario coécrit par Robert Towne, ancien de l'écurie Roger Corman [2] qui signait ici sa deuxième collaboration avec Hal Ashby, après La dernière corvée, et remarqué précédemment pour son travail sur Bonnie et Clyde (1967) d'Arthur Penn, Les flics ne dorment pas la nuit (1972) de Richard Fleisher et enfin Chinatown (1974) de Roman Polanski, Shampoo n'a rien d'une satire frontale. Au contraire. Sorti quelques mois après la démission de Richard Nixon après le scandale du Watergate, si le contexte politique ne peut être ignoré, ladite élection jouant son rôle de fil conducteur, le récit s'attache, comme évoqué en préambule, davantage à étudier les mœurs de cette fin de décennie.
Passant plus de temps à séduire sa clientèle féminine, dans et en dehors du salon, qu'à travailler, George Roundy, et sa coupe de cheveux improbable, incarne l'image même de l'hédoniste superficiel. Celui qui est allé à l'école d'esthétique, à dessein, afin de satisfaire sa quête d'une jouissance éternelle auprès de la gent féminine, "Y a un déclic. Ça embellit ma journée. J'ai l'impression que je suis immortel", se voit confronté à plusieurs situations inédites et difficiles. Du prêt qu'il espère obtenir de sa banque, George reçoit un refus cinglant. Son seul espoir de financement provient de Lester (Jack Warden), le mari de Felicia (Lee Grant [3]), l'une de ses maîtresses. Pire, il découvre que son ex, Jackie, dont il est toujours épris, est devenue la maîtresse de Lester.
Rôle à la mesure du sous-estimé Warren Beatty, la vie de Roundy connaitra un dénouement cruel, flashback 70's du désenchantement né à la fin des années 60, dont l'élection de Nixon marqua un net point de non-retour [4]. D'un film empreint d'une atmosphère de superficialité, Shampoo renvoie ainsi cruellement aux illusions perdues post 60's, et, indirectement, à l'échec de l'Administration Nixon dont "la grande tâche" était, dixit le président lors de sa première allocution après l'annonce de sa victoire, de "faire l'union du peuple américain...". Tout en se focalisant sur ce microcosme des nantis Losangelesiens, le scénario indique ainsi, déjà, autant la fracture au sein de la société étasunienne, résumée par la soirée Républicaine et l'orgie hollywoodienne mêlant sexe, drogue et rock'n'roll, que la résignation d'une partie de la population, entre indifférence (aucun personnage n'ira voter) et mépris opportuniste, "Qu'est-ce que ça changera ? Ce sont tous des cons" synthétisera ainsi Lester.
Quatre ans après le crépusculaire McCabe & Mrs. Miller de Robert Altman, Shampoo réunissait, enfin, de nouveau, le couple Julie Christie et Warren Beatty, avec la participation pour la première fois, d'une débutante nommée Carrie Fisher, dans le rôle de la fille de Felicia.
Une farce tragique à (re)découvrir.Novembre 1968. Coiffeur pour femmes dans un salon de Beverly Hills, George Roundy (Warren Beatty) a toujours usé de ses charmes pour séduire sa clientèle. C'est par ce biais-là qu'il a rencontré sa petite amie Jill (Goldie Hawn), sa maîtresse Felicia (Lee Grant) et son ex-petite amie Jackie (Julie Christie). Sexuellement comblé, George est pourtant professionnellement frustré : simple employé, il ambitionne d'ouvrir son propre salon de coiffure...
D'un scénario coécrit par Robert Towne, ancien de l'écurie Roger Corman [2] qui signait ici sa deuxième collaboration avec Hal Ashby, après La dernière corvée, et remarqué précédemment pour son travail sur Bonnie et Clyde (1967) d'Arthur Penn, Les flics ne dorment pas la nuit (1972) de Richard Fleisher et enfin Chinatown (1974) de Roman Polanski, Shampoo n'a rien d'une satire frontale. Au contraire. Sorti quelques mois après la démission de Richard Nixon après le scandale du Watergate, si le contexte politique ne peut être ignoré, ladite élection jouant son rôle de fil conducteur, le récit s'attache, comme évoqué en préambule, davantage à étudier les mœurs de cette fin de décennie.
Passant plus de temps à séduire sa clientèle féminine, dans et en dehors du salon, qu'à travailler, George Roundy, et sa coupe de cheveux improbable, incarne l'image même de l'hédoniste superficiel. Celui qui est allé à l'école d'esthétique, à dessein, afin de satisfaire sa quête d'une jouissance éternelle auprès de la gent féminine, "Y a un déclic. Ça embellit ma journée. J'ai l'impression que je suis immortel", se voit confronté à plusieurs situations inédites et difficiles. Du prêt qu'il espère obtenir de sa banque, George reçoit un refus cinglant. Son seul espoir de financement provient de Lester (Jack Warden), le mari de Felicia (Lee Grant [3]), l'une de ses maîtresses. Pire, il découvre que son ex, Jackie, dont il est toujours épris, est devenue la maîtresse de Lester.
Rôle à la mesure du sous-estimé Warren Beatty, la vie de Roundy connaitra un dénouement cruel, flashback 70's du désenchantement né à la fin des années 60, dont l'élection de Nixon marqua un net point de non-retour [4]. D'un film empreint d'une atmosphère de superficialité, Shampoo renvoie ainsi cruellement aux illusions perdues post 60's, et, indirectement, à l'échec de l'Administration Nixon dont "la grande tâche" était, dixit le président lors de sa première allocution après l'annonce de sa victoire, de "faire l'union du peuple américain...". Tout en se focalisant sur ce microcosme des nantis Losangelesiens, le scénario indique ainsi, déjà, autant la fracture au sein de la société étasunienne, résumée par la soirée Républicaine et l'orgie hollywoodienne mêlant sexe, drogue et rock'n'roll, que la résignation d'une partie de la population, entre indifférence (aucun personnage n'ira voter) et mépris opportuniste, "Qu'est-ce que ça changera ? Ce sont tous des cons" synthétisera ainsi Lester.
Quatre ans après le crépusculaire McCabe & Mrs. Miller de Robert Altman, Shampoo réunissait, enfin, de nouveau, le couple Julie Christie et Warren Beatty, avec la participation pour la première fois, d'une débutante nommée Carrie Fisher, dans le rôle de la fille de Felicia.
Crédit photo : SHAMPOO © 1975, RENOUVELÉ 2003 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.
Shampoo | 1975 | 110 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Hal Ashby
Production : Warren Beatty
Scénario : Robert Towne, Warren Beatty
Avec : Warren Beatty, Julie Christie, Goldie Hawn, Lee Grant, Jack Warden
Musique : Paul Simon
Directeur de la photographie : László Kovács
Montage : Robert C. Jones
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[1] Le documentaire intitulé Hal réalisé par Amy Scott et sortie aux USA en septembre 2018 lui a été consacré.
[2] Robert Towne adapta dix ans plus tôt la nouvelle de Poe La Tombe de Ligeia.
[3] Lee Grant fut lauréate de l'Oscar du meilleur second rôle féminin en 1976.
[4] La victoire de Richard Nixon faisant suite au double assassinat de Martin Luther King et de celui dont la victoire à l'élection présidentielle ne faisait nul doute, Bobby Kennedy.
[5] Le réalisateur William Castle tient également un petit rôle.
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