L'annonce faite au détour d'une interview de Bill Murray, en printemps 2018, ressemblait à une (mauvaise) blague. Après s'être penché sur le mythe du vampire, avec (le mitigé) Only Lovers Left Alive (2013), Jim Jarmusch allait réaliser un nouveau film fantastique, autour d'une autre figure incontournable du cinéma d'horreur, à la mode depuis les années 2010's, celle du zombie. Doté d'un casting prestigieux, la majeure partie des actrices et acteurs ayant déjà collaboré [1] par le passé avec le réalisateur de Down by Law, le dénommé The Dead Don't Die était également annoncé en avril dernier comme le long métrage qui ferait l'ouverture, en compétition officielle, du Festival de Cannes 2019. Sorti en France simultanément à la première mondiale du film le 14 mai, les morts-vivants façon Jarmusch pouvaient débarquer dans les salles obscures hexagonales.
Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l'évènement le plus étrange et dangereux qui allait s'abattre sur Centerville : les morts sortent de leurs tombes et s'attaquent sauvagement aux vivants pour s'en nourrir ! La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.
Trois ans après la chronique poétique nommée Paterson, déjà avec Adam Driver, Jim Jarmsuch revenait au cinéma du genre. Or, fraichement accueilli à sa sortie, The Dead Don't Die, du moins sa réception, semble le fruit d'un malentendu, auquel, avouons-le, la bande annonce y participa grandement (distribué par Universal, le film est vendu pour ce qu'il n'est pas). Rythmée, accompagnée par le 7 and 7 Is du Love d'Arthur Lee, sinon amusante, celle-ci laissait penser, à juste titre, que le long métrage et son scénario feraient de même, et allaient offrir, au mieux, nombre de situations décalées à une cadence soutenue. Mais il n'en était rien. En d'autres termes, ceux qui pensaient voir une relecture de Shaun of Dead en ont été pour leurs frais. Et c'est tant mieux.
N'ayant nulle vocation à s'inscrire comme un classique dans sa filmographie, ou de redéfinir le genre auquel il était censé rendre hommage [2] (l'argument zombiesque a tout du prétexte), Jim Jarmusch glisse toutefois quelques références au chef d'œuvre originel de George Romero (de l'ouverture sur un cimetière à la Pontiac Tempest), sans oublier la dimension politique qu'incarne ce mort-vivant révélateur des maux contemporains. Cinq décennies passées, le zombie, élément perturbateur de l'ordre social, devient désormais le symptôme d'un monde déréglé au bord d'une irrémédiable crise écologique. "Ça va mal finir" répètera en guise de leitmotiv prescient l'adjoint Ronnie Peterson. Plus absurde que politique, cette comédie noire se distingue par son désespoir cool et ses pointes de rigolade vintage. Et si les derniers mots du film prononcés par l'ermite Tom Waits, "What a fucked up world", pourrait laisser penser à certains que le cinéaste se morfond dans une misanthropie rancie, on gardera, au contraire, à l'esprit l'once d'espoir envers la jeunesse incarnée par les trois adolescents, qui s'échappent du centre de détention (leur avenir reste délibérément flou).
Entre clins d'œil savoureux destinés aux initiés (le livreur Wu-PS incarné par RZA ou Iggy Pop en zombie accroc au café) et d'autres plus faciles (le porte-clef Star-Wars d'Adam Driver, encore que, dans ce cas présent, il faut davantage retenir la réaction de l'ultra barrée Tilda Swinton), The Dead Don't Die prend la forme, on l'aura compris, d'une bonne blague entre amis. Tourné dans les Catskills (dans l'État de New York), dans une ville imaginaire évoquant le nom de celle du 200 Motels (1971) de Frank Zappa, le long métrage peut donc compter, enfin, sur la prestation du petit cercle Jarmuschien (de la revenante Eszter Balint à la nouvelle venue Selena Gomez), qui, on s'en doute, s'est amusé à jouer dans cette fable misanthropique récréative.
Jim Jarmusch livre avec The Dead Don't Die l'exemple type du film gentiment foutraque sinon anecdotique. D'un scénario quasiment absent couplé à une lenteur proche de l'immobilisme, ce treizième long métrage de fiction du cinéaste avait donc, comme évoqué plus haut, tout pour cueillir à froid les amateurs de zomedy ou zom com (comme on dit dans les milieux érudits), voire, même, les admirateurs de Jarmusch goûtant peu l'apparente paresse de leur réalisateur préféré.
Libre à chacun d'accepter cette comédie je-m'en-foutiste nonchalante.
The Dead Don't Die | 2019 | 103 min | 1.85 : 1 | Couleurs
Réalisation : Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Avec : Bill Murray, Adam Driver, Chloë Sevigny, Tilda Swinton, Caleb Landry Jones, Eszter Balint, Selena Gomez, Danny Glover, RZA, Steve Buscemi, Iggy Pop, Rosie Perez, Tom Waits
Directeur de la photographie : Frederick Elmes
Montage : Affonso Gonçalves ___________________________________________________________________________________________________
[1] Soit Eszter Balint, Tom Waits, Iggy Pop, Steve Buscemi, Adam Driver, Bill Murray, Chloë Sevigny, Rosie Perez, RZA, et Tilda Swinton.
[2] Seule « nouveauté », les zombies laissent échapper de la fumée noire quand on les décapite.
[2] Seule « nouveauté », les zombies laissent échapper de la fumée noire quand on les décapite.
un film avec Steve Buscemi ne peut pas être vraiment mauvais de toutes manières...
RépondreSupprimerBuscemi en fermier trumpiste :-D
SupprimerThanks for a great reaad
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