Second long métrage étasunien d'Andrei Konchalovsky, après Maria's Lovers (1984) avec Nastassja Kinski, et six ans après le remarqué Sibériade qui lui valut le Grand prix au Festival de Cannes en 1979, Runaway Train marque la première collaboration du russe avec la (sacro-sainte) Cannon de la paire Menahem Golan et Yoram Globus [1]. Intégrant les rêves de grandeur et de respectabilité des deux cousins, qui les firent produire l'année précédente Love Streams de John Cassavetes, et en 1985 Fool for Love de Robert Altman [2], ce long métrage d'action à petit budget (9 M$) s'éloigne grandement, on l'aura compris, des productions maison en adaptant un scénario original d'Akira Kurosawa [3]. Dans les salles le 4 septembre, Carlotta nous propose désormais une nouvelle copie restaurée de cette fuite désespérée dans l'enfer blanc.
Alaska, quartier de haute sécurité de Stonehaven. Oscar 'Manny' Manheim (Jon Voight), a passé ses trois dernières années en cellule d'isolement. Au terme d'une procédure judiciaire, ce prisonnier multirécidiviste, présenté par le gardien-chef Ranken (John P. Ryan) comme un animal, gagne le droit de rejoindre ses codétenus. Après avoir évité une attaque mortelle ourdie par Ranken, ce dernier n'ayant pas accepté cette décision de justice qui remet en cause son autorité, Manny décide de s'évader avec l'aide de Buck (Eric Roberts), le champion de boxe de la prison [4]. Une fois à l'extérieur, les deux fugitifs se dirigent vers une gare de dépôt, et montent à bord d'un train. Mais le conducteur, victime d'une crise cardiaque, chute du train, le laissant dès à présent seul, lancé à toute allure...
Alaska, quartier de haute sécurité de Stonehaven. Oscar 'Manny' Manheim (Jon Voight), a passé ses trois dernières années en cellule d'isolement. Au terme d'une procédure judiciaire, ce prisonnier multirécidiviste, présenté par le gardien-chef Ranken (John P. Ryan) comme un animal, gagne le droit de rejoindre ses codétenus. Après avoir évité une attaque mortelle ourdie par Ranken, ce dernier n'ayant pas accepté cette décision de justice qui remet en cause son autorité, Manny décide de s'évader avec l'aide de Buck (Eric Roberts), le champion de boxe de la prison [4]. Une fois à l'extérieur, les deux fugitifs se dirigent vers une gare de dépôt, et montent à bord d'un train. Mais le conducteur, victime d'une crise cardiaque, chute du train, le laissant dès à présent seul, lancé à toute allure...
Après une brève introduction carcérale coécrite par Edward Bunker [5], Runaway train quitte rapidement le film d'évasion pour glisser vers le thriller d'action. La tension est palpable, et savamment entretenue par ses trois fils conducteurs : le trio formé par les deux échappés et la jeune employée Sara découverte dans le train (Rebecca De Mornay), le poste de commande du système ferroviaire dirigé par Frank Barstow (Kyle T. Heffner) et Eddie MacDonald (Kenneth McMillan), et enfin Ranken, férocement déterminé à traquer Manny jusqu'à la mort de ce dernier.
Différence notable à porter au crédit du long métrage, Konchalovsky s'éloigne de l'usuel abattage viril et pyrotechnique pour dépeindre une fiction crue et sans artifice, à l'opposé des normes en vigueur durant la décennie 1980. Au contraire, le cinéaste russe place ses personnages au centre de l'intrigue et de l'action. Manny, sous les traits d'un Voight transcendé, incarne le personnage tragique shakespearien [6]. Force de la nature, en guerre contre le monde, sa soif de liberté ne peut être soumis à quelconque autorité, à l'instar de ce train fou [7] qui traverse l'Alaska. Parabole violente de la nature bestiale de l'homme, symbolisée par la démence de Manny nourrie par ses dures années d'emprisonnement, Runaway train dépasse dès lors le cadre du film d'action, tout en gardant ses codes à l'instar du gardien-chef, parti à la recherche des fugitifs, personnage brutal conventionnel des séries B.
Nommés chacun dans la catégorie du meilleur acteur et du meilleur second rôle, Jon Voight [8] et Eric Roberts trouvent en la personne de la jeune Rebecca De Mornay le contre point qui révélera l'humanité de Manny, et offrira à Buck un salut possible à cette aventure sans issue. L'interprétation de Voight, à l'image de son monologue expliquant à son partenaire ses choix limités de réinsertion, est d'ailleurs saisissante. Si on est en droit de rester mesuré devant le jeu de Roberts (encore que son potentiel à jouer les chiens fous décérébrés apparaît crédible), ce film marque néanmoins une époque où il était alors considéré comme un jeune acteur
prometteur (Star 80 ou The Pope of Greenwich Village), avant de sombrer de nos jours dans des direct-to-videos improbables (Sharktopus).
Quant à la fin du film, les dernières images accompagnées par le Gloria de Verdi devraient rester longtemps gravées dans les mémoires [9].
"La bête la plus féroce connait la pitié. Je ne la connais pas. Je ne suis donc pas une bête."
Richard III
Richard III
Runaway Train | 1985 | 111 min
Réalisation : Andrei Konchalovsky
Production : Menahem Golan et Yoram Globus
Scénario : Djordje Milicevic, Paul Zindel, Edward Bunker, d’après un scénario d’Akira Kurosawa
Avec : Jon Voight, Eric Roberts, Rebecca De Mornay, Kyle T. Heffner, John P. Ryan, T.K. Carter, Kenneth McMillan
Production : Menahem Golan et Yoram Globus
Scénario : Djordje Milicevic, Paul Zindel, Edward Bunker, d’après un scénario d’Akira Kurosawa
Avec : Jon Voight, Eric Roberts, Rebecca De Mornay, Kyle T. Heffner, John P. Ryan, T.K. Carter, Kenneth McMillan
Musique : Trevor Jones
Directeur de la photographie : Alan Hume
Montage : Henry Richardson
Montage : Henry Richardson
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[1] Avant Duet for One (Duo pour une soliste) et Shy People (Le bayou) en 1986 et 1987.
[2] En attendant en 1987 King Lear de Jean-Luc Godard et Barfly de Barbet Schroeder. A noter aussi que ces productions permirent à la Cannon de figurer à la fois au palmarès du Festival de Berlin, Love Streams gagnant l'ours d'or en 1984, et parmi les nominés en compétition à Cannes en 1986 avec Runaway Train et Fool for Love !
[3] A l'origine, Kurosawa a écrit ce scénario dans l'idée de pouvoir le mettre en scène aux États-Unis. Resté plusieurs années à Los Angeles, il dut se résoudre à rentrer au Japon face aux difficultés rencontrées pour trouver un studio intéressé. Jeff Bridges, Henry Fonda, Tom Berenger, Karen Allen et Peter Falk faisaient alors partie des noms pressentis.
[4] Runaway train aura également permis à Danny Trejo de débuter une carrière dans le cinéma. Celui qui joue l'adversaire d'Eric Roberts lors du combat de boxe, fut en effet embauché au départ par Konchalovsky au titre d'entraîneur de Roberts, grâce au soutien d'Edward Bunker qui l'avait rencontré à la prison de St Quentin dans les années 1960 (quand les deux hommes y étaient emprisonnés).
[5] Bunker, qui interprète le personnage de Jonah dans le film, était un écrivain connu pour ses romans marqués par l'univers carcéral (et des initiés pour ses brèves apparitions cinématographiques : Mr Blue dans Reservoir Dogs). Plusieurs de ses romans furent plusieurs fois adaptés au cinéma dont Straight Time avec Dustin Hoffman ou Animal Factory de Steve Buscemi avec Willem Dafoe.
[6] L'influence du dramaturge britannique sur Kurosawa n'est pas un secret : Le château de l'araignée est une adaptation de MacBeth, tandis que Ran s'inspire du Roi Lear.
[7] Une des locomotives utilisée dans le film sera vu dans une autre course poursuite ferroviaire : le navet Seagalien Under Siege 2 (Piège à grand vitesse) en 1995 !
[8] Si William Hurt gagna l'Oscar pour son rôle dans Le Baiser de la femme araignée, Jon Voight gagna néanmoins pour ce rôle le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique en 1986.
[9] De quoi vous faire oublier la pénible musique synthétique de Trevor Jones qu'on a connu pudiquement plus inspiré...
[2] En attendant en 1987 King Lear de Jean-Luc Godard et Barfly de Barbet Schroeder. A noter aussi que ces productions permirent à la Cannon de figurer à la fois au palmarès du Festival de Berlin, Love Streams gagnant l'ours d'or en 1984, et parmi les nominés en compétition à Cannes en 1986 avec Runaway Train et Fool for Love !
[3] A l'origine, Kurosawa a écrit ce scénario dans l'idée de pouvoir le mettre en scène aux États-Unis. Resté plusieurs années à Los Angeles, il dut se résoudre à rentrer au Japon face aux difficultés rencontrées pour trouver un studio intéressé. Jeff Bridges, Henry Fonda, Tom Berenger, Karen Allen et Peter Falk faisaient alors partie des noms pressentis.
[4] Runaway train aura également permis à Danny Trejo de débuter une carrière dans le cinéma. Celui qui joue l'adversaire d'Eric Roberts lors du combat de boxe, fut en effet embauché au départ par Konchalovsky au titre d'entraîneur de Roberts, grâce au soutien d'Edward Bunker qui l'avait rencontré à la prison de St Quentin dans les années 1960 (quand les deux hommes y étaient emprisonnés).
[5] Bunker, qui interprète le personnage de Jonah dans le film, était un écrivain connu pour ses romans marqués par l'univers carcéral (et des initiés pour ses brèves apparitions cinématographiques : Mr Blue dans Reservoir Dogs). Plusieurs de ses romans furent plusieurs fois adaptés au cinéma dont Straight Time avec Dustin Hoffman ou Animal Factory de Steve Buscemi avec Willem Dafoe.
[6] L'influence du dramaturge britannique sur Kurosawa n'est pas un secret : Le château de l'araignée est une adaptation de MacBeth, tandis que Ran s'inspire du Roi Lear.
[7] Une des locomotives utilisée dans le film sera vu dans une autre course poursuite ferroviaire : le navet Seagalien Under Siege 2 (Piège à grand vitesse) en 1995 !
[8] Si William Hurt gagna l'Oscar pour son rôle dans Le Baiser de la femme araignée, Jon Voight gagna néanmoins pour ce rôle le Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique en 1986.
[9] De quoi vous faire oublier la pénible musique synthétique de Trevor Jones qu'on a connu pudiquement plus inspiré...
Il y a une scène incroyable dans ce film qui a très bien vieilli (malgré une BO trop 80's), où la toute jeune et fragile Rebecca De Mornay (26 ans à l'époque) affronte la cruauté d'un Jon Voight bestial, en lui hurlant de massacrer Eric Roberts (puisqu'il ne dit éprouver aucune compassion comme les bêtes cruelles) tandis que le train roule à toute allure. Dans cette scène de tension extrême et dans un plan incroyable on voit le visage au regard fou de Jon Voight se transformer pour retrouver un aspect humain, puis s'apaiser.
RépondreSupprimer"en lui hurlant de massacrer Eric Roberts" ?
SupprimerJe crois plutôt qu'elle hurle à Roberts de massacrer Voight, non ?
En tout cas, les trois dernières captures d'écran retranscrivent justement cette scène ;-)
Excellent ! J'avais vu ce film à sa sortie ... et j'avais 13 ou 14 ans ! Va falloir que je me regarde cela à nouveau !
RépondreSupprimerAllez on y croit !
Comme le dit La dame, hormis cette affreuse musique synthétique, le film a très bien vieilli, ce qui est d'autant moins aisé s'agissant d'un film d'action :-)
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