Présenté en avant-première lors de la section parallèle Horizons (Orizzonti) de la 71ème édition de la Mostra de Venise en 2014, le nouveau long métrage des frères Josh et Bennie Safdie, figures du cinéma indépendant new-yorkais, après les remarqués The Pleasure of Being Robbed (2008) et Lenny and the Kids (2009), arrive enfin, par les bons soins de Carlotta, dans les salles obscures françaises ce mercredi 3 février. Heaven Knows What, retitré Mad Love in New York du nom du roman dont il est tiré, est un film choc et rare sur un sujet difficile et douloureux : le quotidien d'une jeune droguée sans domicile fixe. Filmé sans artifice, dénué de tout pathos ou de complaisance malsaine, Mad Love in New York s'écarte du basique film sur la drogue, pour au contraire prendre la forme d'une fiction réaliste à la force émotionnelle poignante. Mais n'allons pas trop vite.
Harley (Arielle Holmes) est une jeune droguée sans-abri qui erre dans les rues de New York. Amoureuse d'Ilya (Caleb Landry Jones), sa relation avec son petit-ami prend un tour destructeur quand Harley décide de s'ouvrir les veines pour lui prouver son amour. Après sa tentative de suicide ratée et une bref séjour en hôpital psychiatrique, Harley reprend son quotidien de marginale, au côté de Mike (Buddy Duress), son ami et dealer. Tentant de survivre, faisant la manche pour obtenir de quoi acheter sa dose, la jeune femme recroise, quelque temps après sur son chemin, son grand amour et bourreau Ilya...
Produit avec très peu de moyens, avec des personnages incarnés par des acteurs non-professionnels (à l'exception notable d'Ilya par Caleb Landry Jones découvert dans Queen & Country de John Boorman) issus de cette communauté, Mad Love in New York surprend autant par sa rigueur formelle que par son récit, loin des poncifs du genre. Film porté par la figure centrale d'Arielle Holmes, qui incarne un personnage inspiré de sa vraie vie (1), la jeune femme fut rencontrée par Josh Safdie lors d'un repérage dans un quartier de Manhattan quand elle n'avait que 19 ans, les deux frères lui conseillant par la suite d'écrire sa biographie, futur support à leur adaptation au cinéma.
Écrit à quatre mains, par Josh Safdie et Ronald Bronstein, monteur du film et acteur principal de Lenny and the Kids, le scénario tiré de la vie tragique de Holmes, son histoire d'amour destructrice, son existence de SDF et son addiction à l'héroïne, n'a pourtant rien du drame crapoteux estampillé « d'après une histoire vraie », comme il est de bon ton (désormais) Outre-Atlantique de justifier tel ou tel film, dont l'histoire est empreinte d'une supposée réalité. Au contraire, le scénario sait se détacher réalité de la fiction, le récit posant à la fois un regard lucide sur ces marginaux, sans chercher à enjoliver, ou noircir plus qu'il ne faut, leur quotidien de nomades luttant contre le froid, l'ennui et leurs addictions.
Difficile dans ces conditions de ne pas penser au classique Panique à Needle Park de Jerry Schatzberg, premier long métrage à avoir montré avec réalisme l'existence des toxicomanes (2), à la différence notable que le réalisateur de L'épouvantail n'avait engagé en son temps que des acteurs professionnels (dont le débutant Al Pacino). Mieux, l'une des forces du film est de s'attacher davantage à la survie de Harley, qu'à sa malsaine relation pré-suicide avec Ilya, celle-ci n'occupant que l'espace d'un avant-propos quasi-elliptique. En somme, une histoire fictive jouée par des acteurs qui connaissent cette réalité de manière crue, sans artifice.
Cette volonté de réalisme trouve également écho dans sa forme par le choix de ses prises de vue, pratiquement toutes réalisées avec un objectif à longues focales, ou par une bande-son frénétique, indicateur et thermomètre de la santé mentale de son héroïne (3) (ou le mix improbable de différents thèmes de Claude Debussy et de musique électronique, en sus de passages incluant des extraits de Tangerine Dream ou de Burzum).
Vision crue et dérangeante d'une jeunesse perdue dans le New-York des années 2010's, Mad Love in New York n'en demeure pas moins une œuvre tendre à l'image du regard bienveillant que portent les deux réalisateurs à son actrice / héroïne.
Crédit photos : © 2015 HARDSTYLE, LLC. Tous droits réservés.
Heaven Knows What (Mad Love in New York) | 2014 | 97 min
Réalisation : Josh et Benny Safdie
Production : Oscar Boyson et Sebastian Bear Mcclard
Scénario : Josh Safdie et Ronald Bronstein, d'après le roman "Mad Love In New York City" de Arielle Holmes
Avec : Arielle Holmes, Caleb Landry Jones, Buddy Duress, Necro et Eléonore Hendricks
Musique originale : Ariel Pink et Paul Grimstad
Directeur de la photographie : Sean Price Williams
Montage : Benny Safdie et Ronald Bronstein
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(1) Et qui du propre vœu des cinéastes était la seule à pouvoir interpréter son propre rôle à l'écran.
(2) Le film fait référence à son aîné en amenant ses personnages dans le dit parc situé au nord-ouest de Manhattan.
(3) Comprendre que les premières minutes du métrage sont par conséquent dès plus crispantes compte tenu de sa confusion mentale.
(2) Le film fait référence à son aîné en amenant ses personnages dans le dit parc situé au nord-ouest de Manhattan.
(3) Comprendre que les premières minutes du métrage sont par conséquent dès plus crispantes compte tenu de sa confusion mentale.
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