La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est pourtant ce que fit Herbie Hancock avec Sextant.
Rappel des faits. Après sept albums sur le mythique label Blue Note, l'ancien pianiste de Miles Davis enregistre pour Warner Bros trois albums de 1969 à 1972 : Fat Albert Rotunda, Mwandishi et Crossings. A l'instar des musiciens ayant gravité autour de l'astre noir Davisien, Hancock reste profondément marqué par la démarche moderniste de son ancien leader. Peu enclin à l'origine à jouer de l'orgue électrique lors de l'enregistrement du séminal Miles in the Sky, premier album de jazz électrique du trompettiste et dernier album du mythique second quintet [1], Hancock s'attèle à partir de 1968 à expérimenter les nouvelles potentialités que peut lui offrir la fée électricité (son dernier album pour Blue Note, The Prisoner confirme ses nouvelles orientations).
Accompagné de Bennie Maupin au saxophone soprano et clarinette basse (plus si affinités), d'Eddie Henderson à la trompette, de Julian Priester aux trombones, de Billy Hart à la batterie et enfin de Buster Williams à la basse, Herbie Hancock et ses nombreux claviers définissent à leur manière le futur du jazz électrique. Musique expérimentale à la croisée de la musique électronique naissante, du funk et de la musique africaine, Herbie marque de son empreinte la nouvelle décennie 70's en attendant la reconnaissance publique à venir.
Or en 1972, Herbie Hancock signe sur le même label que Miles Davis, Columbia. Après avoir enregistré en décembre 1971 son dernier LP pour Warner, Crossings, Hancock parachève avec Sextant sa période Mwandishi, et cette trilogie initiée deux ans plus tôt [2].
Doté de trois titres, dont une pièce centrale Hornets occupant l'intégralité de la face B (à l'instar de Wandering Spirit Song sur Mwandishi ou de Sleeping Giant sur Crossings), Sextant se veut, dans la forme, dans la continuité des deux précédents. L'introductif Rain dance est à ce titre le parfait exemple de la nouvelle direction du groupe. Le virage électronique se veut plus radical, avant-gardiste (bien malin celui qui reconnaîtrait le compositeur de Cantaloupe Island). Hancock joue davantage sur la répétition et le minimalisme que lui offrent ses nouveaux synthétiseurs (ce dernier étant accompagné également de Patrick Gleeson). Un nouveau formalisme qui n'empêche pas le musicien de garder un pied dans ce qu'il sait faire de mieux. Le second titre, Hidden Shadows, oscillant entre passages électronique et acoustique, signe ainsi le retour d'un funk ascétique soutenu par son lot de basse et de percussions omniprésentes. Œuvre maîtresse du disque, Hornets, évoque quant à lui le dernier virage jusqu'au-boutiste du ténébreux Miles Davis, On the Corner, disque paranoïaque auquel Hancock participa la même année. Morceau au groove d'une profondeur rare, voire menaçante, le sextet explore des formats libres et hypnotiques où l'intensité et la tension baissent rarement leur garde.
Publié en 1973, le disque à l'image de ses prédécesseurs, ne trouve pas son public. Qu'importe. Non content d'avoir publié son disque le plus radical, Herbie publie la même année l'un de ses plus grands succès : Headhunters.
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[1] Disque avec Ron Carter à la basse, accompagnant Herbie à l'orgue sur Stuff, et la participation de George Benson à la guitare sur Paraphernalia.
Rappel des faits. Après sept albums sur le mythique label Blue Note, l'ancien pianiste de Miles Davis enregistre pour Warner Bros trois albums de 1969 à 1972 : Fat Albert Rotunda, Mwandishi et Crossings. A l'instar des musiciens ayant gravité autour de l'astre noir Davisien, Hancock reste profondément marqué par la démarche moderniste de son ancien leader. Peu enclin à l'origine à jouer de l'orgue électrique lors de l'enregistrement du séminal Miles in the Sky, premier album de jazz électrique du trompettiste et dernier album du mythique second quintet [1], Hancock s'attèle à partir de 1968 à expérimenter les nouvelles potentialités que peut lui offrir la fée électricité (son dernier album pour Blue Note, The Prisoner confirme ses nouvelles orientations).
Accompagné de Bennie Maupin au saxophone soprano et clarinette basse (plus si affinités), d'Eddie Henderson à la trompette, de Julian Priester aux trombones, de Billy Hart à la batterie et enfin de Buster Williams à la basse, Herbie Hancock et ses nombreux claviers définissent à leur manière le futur du jazz électrique. Musique expérimentale à la croisée de la musique électronique naissante, du funk et de la musique africaine, Herbie marque de son empreinte la nouvelle décennie 70's en attendant la reconnaissance publique à venir.
Or en 1972, Herbie Hancock signe sur le même label que Miles Davis, Columbia. Après avoir enregistré en décembre 1971 son dernier LP pour Warner, Crossings, Hancock parachève avec Sextant sa période Mwandishi, et cette trilogie initiée deux ans plus tôt [2].
Doté de trois titres, dont une pièce centrale Hornets occupant l'intégralité de la face B (à l'instar de Wandering Spirit Song sur Mwandishi ou de Sleeping Giant sur Crossings), Sextant se veut, dans la forme, dans la continuité des deux précédents. L'introductif Rain dance est à ce titre le parfait exemple de la nouvelle direction du groupe. Le virage électronique se veut plus radical, avant-gardiste (bien malin celui qui reconnaîtrait le compositeur de Cantaloupe Island). Hancock joue davantage sur la répétition et le minimalisme que lui offrent ses nouveaux synthétiseurs (ce dernier étant accompagné également de Patrick Gleeson). Un nouveau formalisme qui n'empêche pas le musicien de garder un pied dans ce qu'il sait faire de mieux. Le second titre, Hidden Shadows, oscillant entre passages électronique et acoustique, signe ainsi le retour d'un funk ascétique soutenu par son lot de basse et de percussions omniprésentes. Œuvre maîtresse du disque, Hornets, évoque quant à lui le dernier virage jusqu'au-boutiste du ténébreux Miles Davis, On the Corner, disque paranoïaque auquel Hancock participa la même année. Morceau au groove d'une profondeur rare, voire menaçante, le sextet explore des formats libres et hypnotiques où l'intensité et la tension baissent rarement leur garde.
Publié en 1973, le disque à l'image de ses prédécesseurs, ne trouve pas son public. Qu'importe. Non content d'avoir publié son disque le plus radical, Herbie publie la même année l'un de ses plus grands succès : Headhunters.
Titres
01. Rain dance / 02. Hidden Shadows / 03. Hornets
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[1] Disque avec Ron Carter à la basse, accompagnant Herbie à l'orgue sur Stuff, et la participation de George Benson à la guitare sur Paraphernalia.
[2] Sextant est le dernier album d'Herbie Hancock avec sa formation appelée plus communément le Mwandishi band.
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