Onze années séparaient la sortie de leur éponyme deuxième album et Third. Premier constat, le trio Beth Gibbons / Geoff Barrow / Adrian Utley aura pris son temps [1]. Une décennie synonyme de pause ou de mis en suspens qui pouvait laisser planer le doute sur les intentions de Portishead, eut égard aux différents précédents qu'offrit la musique populaire ces quarante dernières années [2].
Or à l'instar de la pochette, le titre de l'album souligne un minimalisme bienvenu, et une sobriété finalement en accord avec la ligne de conduite à laquelle s'est toujours tenue la formation de Bristol. Enfin remarque annexe en guise de préambule, le titre Third fait irrémédiablement penser à un autre album, celui de Soft Machine. Et à défaut d'y voir une coïncidence, force est de constater dès à présent que ces deux disques s'ils n'ont que peu de points communs formels, se rejoignent sur le fond : l'intégrité des protagonistes et la remarquable qualité du dit album. Mais n'allons pas trop vite.
Un retour inattendu pour les uns, voire inespéré pour les autres (quand bien même le trio n'ait jamais indiqué de séparation au cours de ce long hiatus), voici les premières impressions ressenties lors de l'annonce du successeur de Portishead. Une pause d'une décennie [3] où chacun des membres vaqua ainsi à ses occupations (extra-)musicales (dont l'excellent Out of Season signé Beth Gibbons et Rustin Man alias Paul Webb, ex-bassiste de Talk Talk), et temps au cours duquel finalement nulle révolution ou véritable soubresaut musical n'est apparu. Car s'il est mensonger et exagéré d'écrire qu'un boulevard s'ouvrait aux trois musiciens, admettons néanmoins qu'ils avaient les moyens de marquer durablement une décennie qui fut plus synonyme de repli sur soi que de prise de risque [4].
Trois options s'ouvraient dès lors : 1/ le statu-quo, 2/ tendre vers davantage de sophistication (peu probable compte-tenu du niveau atteint lors du précédent opus) au risque de s'autocaricaturer, et 3/ évoluer vers une musique plus brute tout en gardant la profondeur et les atmosphères qui caractérisent Portishead.
Ne pas se répéter. A l'écoute de Third, la phrase prend tout son sens. Et tant pis pour les amateurs de trip-hop classieux. Parmi les grands changements qui correspondent conformément à la troisième option précitée, de nouvelles influences plutôt inattendues émergent dans l'univers grisâtre du trio. La critique avait salué à juste titre les ambiances sombres du précédent disque. Si Portishead garde le même cap, la formation étoffe son répertoire en s'ouvrant désormais au krautrock et au post-punk. Sur bon nombre de chansons (l'introductif Silence par exemple) plane ainsi l'ombre d'une coldwave émancipée entre mélancolie acoustique, riff poisseux et effets électroniques. Évoquant également les directions suivies par les réformateurs de la fin des années 70, Barrow and co s'appliquent enrichir leur panel rythmique : tribal (Nylon Smile), minimaliste (The Rip et son final kraftwerkien) ou lancinant (Threads).
De ce travail, les chansons We Carry On et Machine Gun sont sans conteste les plus abouties et les plus remarquables. Portishead y est méconnaissable. Hallucinante et hallucinatoire, We Carry On dirige l'auditeur vers la transe de par sa rythmique obsédante et répétitive. Et le temps d'un interlude blues (Deep Water), Machine Gun reflète définitivement le nouveau visage du groupe. Marqué par la musique industrielle et le goût de Barrow pour les bandes originales de John Carpenter [5], ce titre fantomatique au son cru et compressé ne fut rien de moins que le premier single de Portishead. Un coup d'éclat et une mise en bouche en guise d'avertissement. Et finalement avec un traitement aussi radical, la prestation de Beth Gibbons aurait très bien pu en pâtir. Il n'en est rien. Sa voix intacte distille les mêmes émotions fragiles, du dramatique Plastic au nostalgique Small.
Or à l'instar de la pochette, le titre de l'album souligne un minimalisme bienvenu, et une sobriété finalement en accord avec la ligne de conduite à laquelle s'est toujours tenue la formation de Bristol. Enfin remarque annexe en guise de préambule, le titre Third fait irrémédiablement penser à un autre album, celui de Soft Machine. Et à défaut d'y voir une coïncidence, force est de constater dès à présent que ces deux disques s'ils n'ont que peu de points communs formels, se rejoignent sur le fond : l'intégrité des protagonistes et la remarquable qualité du dit album. Mais n'allons pas trop vite.
Un retour inattendu pour les uns, voire inespéré pour les autres (quand bien même le trio n'ait jamais indiqué de séparation au cours de ce long hiatus), voici les premières impressions ressenties lors de l'annonce du successeur de Portishead. Une pause d'une décennie [3] où chacun des membres vaqua ainsi à ses occupations (extra-)musicales (dont l'excellent Out of Season signé Beth Gibbons et Rustin Man alias Paul Webb, ex-bassiste de Talk Talk), et temps au cours duquel finalement nulle révolution ou véritable soubresaut musical n'est apparu. Car s'il est mensonger et exagéré d'écrire qu'un boulevard s'ouvrait aux trois musiciens, admettons néanmoins qu'ils avaient les moyens de marquer durablement une décennie qui fut plus synonyme de repli sur soi que de prise de risque [4].
Trois options s'ouvraient dès lors : 1/ le statu-quo, 2/ tendre vers davantage de sophistication (peu probable compte-tenu du niveau atteint lors du précédent opus) au risque de s'autocaricaturer, et 3/ évoluer vers une musique plus brute tout en gardant la profondeur et les atmosphères qui caractérisent Portishead.
Ne pas se répéter. A l'écoute de Third, la phrase prend tout son sens. Et tant pis pour les amateurs de trip-hop classieux. Parmi les grands changements qui correspondent conformément à la troisième option précitée, de nouvelles influences plutôt inattendues émergent dans l'univers grisâtre du trio. La critique avait salué à juste titre les ambiances sombres du précédent disque. Si Portishead garde le même cap, la formation étoffe son répertoire en s'ouvrant désormais au krautrock et au post-punk. Sur bon nombre de chansons (l'introductif Silence par exemple) plane ainsi l'ombre d'une coldwave émancipée entre mélancolie acoustique, riff poisseux et effets électroniques. Évoquant également les directions suivies par les réformateurs de la fin des années 70, Barrow and co s'appliquent enrichir leur panel rythmique : tribal (Nylon Smile), minimaliste (The Rip et son final kraftwerkien) ou lancinant (Threads).
De ce travail, les chansons We Carry On et Machine Gun sont sans conteste les plus abouties et les plus remarquables. Portishead y est méconnaissable. Hallucinante et hallucinatoire, We Carry On dirige l'auditeur vers la transe de par sa rythmique obsédante et répétitive. Et le temps d'un interlude blues (Deep Water), Machine Gun reflète définitivement le nouveau visage du groupe. Marqué par la musique industrielle et le goût de Barrow pour les bandes originales de John Carpenter [5], ce titre fantomatique au son cru et compressé ne fut rien de moins que le premier single de Portishead. Un coup d'éclat et une mise en bouche en guise d'avertissement. Et finalement avec un traitement aussi radical, la prestation de Beth Gibbons aurait très bien pu en pâtir. Il n'en est rien. Sa voix intacte distille les mêmes émotions fragiles, du dramatique Plastic au nostalgique Small.
Un des albums de 2008 et plus généralement un des disques de la décennie 2000.
Titres
01. Silence / 02. Hunter / 03. Nylon Smile / 04. The Rip / 05. Plastic / 06. We Carry On / 07. Deep Water / 08. Machine Gun / 09. Small / 10. Magic Doors / 11. Threads
Titres
01. Silence / 02. Hunter / 03. Nylon Smile / 04. The Rip / 05. Plastic / 06. We Carry On / 07. Deep Water / 08. Machine Gun / 09. Small / 10. Magic Doors / 11. Threads
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[1] Méthode reprise de nouveau pour le prochain album qui devrait sortir au plus tôt... en 2033 ?
[2] L'histoire de la musique populaire a démontré qu'en général, les très longues attentes équivalent rarement à de grands albums, davantage à un réchauffé plus ou moins digeste, sauf rare exception.
[3] Pause entrecoupée d'une brève participation à une compilation hommage à Gainsbourg et la participation à un album de Tom Jones.
[4] La plupart des grands disques de la décennie 2000 sont le fruit de formations issues des 90's, et le reste s'apparente plus à un recyclage (pour le meilleur ou pour le pire).
[5] Geoff Barrow signa en 2012, en compagnie de Ben Salisbury, l'album Drokk : Music Inspired by Mega-City One, bande originale imaginaire, véritable hommage aux BO signées par Carpenter dans les années 70-80 (en particulier celle d'Escape from New-York).
[5] Geoff Barrow signa en 2012, en compagnie de Ben Salisbury, l'album Drokk : Music Inspired by Mega-City One, bande originale imaginaire, véritable hommage aux BO signées par Carpenter dans les années 70-80 (en particulier celle d'Escape from New-York).
Hey Doc, on est d'accord sur toute la ligne, jusqu'aux nota ;)
RépondreSupprimerC'est plutôt rassurant, non ? ;-)
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