L'année 1963 peut-elle être considérée comme une petite année au regard de la riche discographie de John Coltrane ? Certes, le souffleur co-signa deux albums éponymes loin d'être mineurs, le premier avec le guitariste Kenny Burrell et le second avec Johnny Hartman. Non content de remettre en selle ce dernier avec leur disque commun, John Coltrane and Johnny Hartman, le crooner, à l'instar du jeune Archie Shepp l'année suivante, bénéficia du soutien du saxophoniste auprès de Bob Thiele, successeur de Creed Taylor à la tête du label Impulse!. Toutefois, en attendant le choc suprême de l'année à venir, l'imprudent.e a t'iel finalement le droit de faire tant la fine bouche ? Non, bien évidemment. Car si le quartette de Coltrane n'a pas gravé apparemment de chefs-d'œuvre en studio en 1963 (n'allons pas trop vite), il en est tout autrement en public avec Newport '63, qui sera publié trente ans plus tard, Dear Old Stockholm avec le retour momentané du batteur Roy Haynes en 1965, et le disque qui nous intéresse : Live at Birdland.
Des nombreux disques enregistrés dans le mythique club hommage à Charlie 'Bird' Parker, ce Live at Birdland tient une place à part, au-delà de la figure de Coltrane et de son quartette historique, constitué de McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie. Composé de cinq titres, le disque a une première particularité, celle de ne contenir, contrairement à ce que pouvait indiquer son nom, seulement trois morceaux enregistrés au Birdland un soir du 8 octobre 1963. Mais qu'importe tant la première face et ses deux relectures Afro-Blue et I Want to Talk About You démontrent la force et le pouvoir de séduction des quatre musiciens. Du standard mélodique de Mango Santamaria, Trane et son saxophone soprano livrent une prestation symptomatique de sa nouvelle évolution : des formats étirés vers une liberté de plus en plus accrue. Apparu une première fois en 1958 pour l'album Soultrane, le standard de Billy Eckstein n'est pas en reste. Cinq années séparent l'enregistrement de ces deux titres. Une éternité à l'écoute de la prestation de 1963. Coltrane va loin, très loin. Faisant fi à mesure de la mélodie et auteur d'un solo final mémorable, le saxophoniste marque de son empreinte le jazz et la révolution coltranienne en devenir.
Premier titre de la face B, et déjà dernier extrait du concert, The Promise signé par Coltrane lui-même révèle, une fois encore, la rare cohésion de cet illustre quartette. Fait paradoxal, s'il ne devait en rester qu'un, ce Live at Birdland est également (surtout ?) resté à la postérité grâce à l'un des deux titres enregistrés au studio de Rudy Van Gelder le 18 novembre de la même année : Alabama. En référence à une tragédie perpétrée à Birmingham, dans l'état du même nom, le 15 septembre, où quatre fillettes noires furent tuées dans un attentat à la bombe visant une église baptiste, Coltrane réalise sans doute l'une de ses compositions les plus poignantes et bouleversantes, son faux départ accidentel rentré désormais dans la légende contribuant involontairement à ce climat sombre et profond [1]. Dernier titre, Your Lady, de par sa nature, dédicace à Alice McLeod, future madame Coltrane et pianiste des groupes expérimentaux de sa dernière période, allège enfin quelque peu cette fin d'album.
Indispensable.
Titres :Des nombreux disques enregistrés dans le mythique club hommage à Charlie 'Bird' Parker, ce Live at Birdland tient une place à part, au-delà de la figure de Coltrane et de son quartette historique, constitué de McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse et Elvin Jones à la batterie. Composé de cinq titres, le disque a une première particularité, celle de ne contenir, contrairement à ce que pouvait indiquer son nom, seulement trois morceaux enregistrés au Birdland un soir du 8 octobre 1963. Mais qu'importe tant la première face et ses deux relectures Afro-Blue et I Want to Talk About You démontrent la force et le pouvoir de séduction des quatre musiciens. Du standard mélodique de Mango Santamaria, Trane et son saxophone soprano livrent une prestation symptomatique de sa nouvelle évolution : des formats étirés vers une liberté de plus en plus accrue. Apparu une première fois en 1958 pour l'album Soultrane, le standard de Billy Eckstein n'est pas en reste. Cinq années séparent l'enregistrement de ces deux titres. Une éternité à l'écoute de la prestation de 1963. Coltrane va loin, très loin. Faisant fi à mesure de la mélodie et auteur d'un solo final mémorable, le saxophoniste marque de son empreinte le jazz et la révolution coltranienne en devenir.
Premier titre de la face B, et déjà dernier extrait du concert, The Promise signé par Coltrane lui-même révèle, une fois encore, la rare cohésion de cet illustre quartette. Fait paradoxal, s'il ne devait en rester qu'un, ce Live at Birdland est également (surtout ?) resté à la postérité grâce à l'un des deux titres enregistrés au studio de Rudy Van Gelder le 18 novembre de la même année : Alabama. En référence à une tragédie perpétrée à Birmingham, dans l'état du même nom, le 15 septembre, où quatre fillettes noires furent tuées dans un attentat à la bombe visant une église baptiste, Coltrane réalise sans doute l'une de ses compositions les plus poignantes et bouleversantes, son faux départ accidentel rentré désormais dans la légende contribuant involontairement à ce climat sombre et profond [1]. Dernier titre, Your Lady, de par sa nature, dédicace à Alice McLeod, future madame Coltrane et pianiste des groupes expérimentaux de sa dernière période, allège enfin quelque peu cette fin d'album.
Indispensable.
01. Afro-Blue / 02. I Want to Talk About You / 03. The Promise / 04. Alabama / 05. Your Lady
[1] A noter qu'Alabama fut repris quelques années plus tard par Spike Lee sur son mémorable Malcolm X.
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