Film qui n'a jamais été distribué en son temps, Le cousin Jules est par définition un document(aire) rare. Tourné entre avril 1968 et mars 1973, l'œuvre du jeune réalisateur Dominique Benicheti, vingt-cinq ans au début de cette aventure, se démarque tant par son sujet que par les moyens qui ont été mis en œuvre pour capter ce portrait atypique d'un cousin éloigné. Filmer le quotidien d'’un couple d'octogénaires dans leur petite ferme isolée, voici l'ambition de Benicheti. Rien de plus. De ce point de départ minimaliste, faisant écho avec trois décennies d'avance à la trilogie de Raymond Depardon Profils paysans (L'Approche - 2001 ; Le Quotidien - 2005 et La Vie moderne - 2008), l'ancien élève de l’IDHEC, et futur enseignant à l'Université d'Harvard, adopte néanmoins une approche radicale par les moyens techniques employés : tourner en Cinémascope et enregistrer en stéréo ; le documentaire se fait fort d'utiliser les outils modernes du cinéma pour mieux capter l'intimité de ce monde rural voué à disparaître après la mort de ces derniers représentants.
Restaurée à partir de 2011 par Benicheti à partir du négatif original, Le cousin Jules, après une première distribution américaine en 2013, sort à partir du mercredi 15 avril dans les salles d'art et essai françaises, toutes désormais équipées pour projeter le film dans son format d'origine en son stéréo (soit une des raisons principales de son absence en 1973 en dépit de plusieurs présentations remarquées dans les festivals de l'époque : Locarno - Prix spécial du jury, Moscou ou dans les universités étasuniennes).
Restaurée à partir de 2011 par Benicheti à partir du négatif original, Le cousin Jules, après une première distribution américaine en 2013, sort à partir du mercredi 15 avril dans les salles d'art et essai françaises, toutes désormais équipées pour projeter le film dans son format d'origine en son stéréo (soit une des raisons principales de son absence en 1973 en dépit de plusieurs présentations remarquées dans les festivals de l'époque : Locarno - Prix spécial du jury, Moscou ou dans les universités étasuniennes).
Jules Guiteaux et son épouse, Félicie, vivent près de la commune Pierre-de-Bresse en Torpes en Bourgogne. Forgeron comme l'était son père et son grand-père, Jules passe le plus clair de son temps dans son atelier, tandis que Félicie gère les tâches journalières, s'occupe du potager et prépare leurs repas. Bercé par cette routine, l'existence du couple est rythmée au son assourdissant de la forge de Jules et marquée par ces instants de complicité silencieuse, affirmations d'une vie passée ensemble. De ce quotidien hors du temps, quand la forge attisée et le fer martelé deviennent les instruments d'un récital pré-industriel (à cet instant le son stéréo voulu par le cinéaste prend tout son sens), et la préparation du café, récupérer l'eau du puits, moudre le grain, chauffer le poêle, devient un rituel, Le cousin Jules en capture l'essentiel.
« Tranche de vie d'un homme [...] qui s'étale sur cinq ans, mais qui donne l'impression de se passer en une seule journée » comme le définissait en septembre 1973 Benicheti, le tournage du Cousin Jules fut loin d'être de tout repos pour le réalisateur et son équipe. Étalé sur plusieurs années, aux difficultés inhérentes à la technique (les problèmes de raccords, l'utilisation du scope) et à la production (le cinéaste tournait sur son temps libre en dehors de son travail pour la télévision) s'adjoignit en août 1971 un drame : la mort de l'épouse de Jules. D'un commun accord, les deux cousins décidèrent de poursuivre le tournage, le récit se recentrant par la force des choses sur l'arrêt de la forge et la « nouvelle vie » du vieil homme.
Sans explication ou voix off (la présence à l'écran du fossoyeur précède le décès de Félicie), l'œuvre de Benicheti ne prétend pas à l'universalité ou à une quelconque étude ethnographique [1], Le cousin Jules a davantage le souci de se faire le témoin d'une vie humble centrée sur le temps qui passe (du matin au soir, du printemps à l'hiver). Photographié au début par Paul Launay, puis par Pierre-William Glenn (La nuit américaine, Série noire et la majorité des longs métrages de Bertrand Tavernier entre 1974 et 1983), le long métrage est à l'image de cet auteur fasciné par la technologie dont la carrière fut des plus singulières (documentaires, films scientifiques, institutionnels ou d'animation) : ambitieux, poétique et unique en son genre.
Crédits Photos : © Carlotta Films. Tous droits réservés.
Le cousin Jules | 1973 | 91 min
Réalisation : Dominique Benicheti
Scénario : Dominique Benicheti
Avec : Jules Guitteaux, Félicie Guitteaux
Directeur de la photographie : Paul Launay et Pierre-William Glenn
Montage : Marie-Geneviève Ripeau
Son : Jean-René Bouyer, Christian Bourquin, Roger Letellier
Mixage : Jacques Maumont
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[1] A pondérer quarante ans après sa réalisation, car si le film n'avait nulle vocation ethnographique à l'origine, cet aspect n'est plus négligeable d'une certaine manière aujourd'hui.
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