Des réalisateurs estampillés Nouvel Hollywood, William Friedkin est sans conteste le plus controversé, tant par les films qu'il a réalisé que par les histoires qui entourent leurs productions. Riche d'une filmographie où se côtoient de nombreuses œuvres emblématiques (réévaluées pour certaines avec le temps), le cinéaste a publié en 2013 ses mémoires intitulées Friedkin connection (éditées en France en 2014 par les Éditions de la Martinière). En omettant ses souvenirs les plus intimes, ce qui aurait de son propre aveu interdit le livre aux moins de dix-huit ans, Friedkin revient sur sa carrière de réalisateur : sa famille, ses débuts à la télévision, ses (rares) succès, mais également les périodes difficiles qui suivirent. Comme présenté par l'éditeur en dos de couverture, gloire, disgrâce, et renaissance sont au menu de cette autobiographie sans concessions.
Avec en introduction la liste de ses plus mémorables erreurs de jugement, tel son manque de discernement vis à vis de ses jeunes comparses nommés George Lucas et Steven Spielberg [1], qui le fit refuser la proposition de devenir l'un des producteurs de Star Wars [2], la mise à la benne d'une œuvre offerte par un anonyme admirateur nommé
Jean-Michel Basquiat, ou encore sa fin de non recevoir de la demande
d'un jeune auteur-compositeur-interprète, Prince, le sollicitant à tourner le clip d'une de ses chansons pour la juvénile MTV, William Friedkin met rapidement les pieds dans le plat en pointant son incapacité à avoir su prendre la mesure du talent des autres à cause de sa « vision disproportionnée ». Autobiographie autant qu'autocritique, Friedkin connection dresse le bilan d'un cinéaste dont l'ego et les erreurs passées lui firent manquer plusieurs occasions notables, sans toutefois, l'empêcher de tourner paradoxalement, compte tenu de ses nombreux échecs, le plus cinglant étant son adaptation du Salaire de la peur. Mais n'allons pas trop vite.
Friedkin connection évoque comme il se doit chronologiquement les origines du cinéaste, de ses parents immigrés juifs ukrainiens ayant fuit les pogroms, à sa jeunesse dans les quartiers populaires de Chicago. Embauché après le lycée par une télévision locale, le jeune homme gravit les différents échelons de la profession, de préposé au courrier, à régisseur de plateaux, jusqu'à devenir réalisateur de « directs ». Du choc de 1960, soit la découverte de Citizen Kane qu'il enquilla cinq fois d'affilée, l'apprenti metteur en scène s'attacha à découvrir l'autre cinéma, celui en provenance d'Italie, de France ou du Japon. Passée une première reconnaissance à partir de son documentaire The People vs. Paul Crump (1962), dont le but avoué était de faire échapper au dit Crump la peine de mort (ce qu'il fit !), Friedkin continua sa carrière télévisuelle dans le documentaire sous le soleil californien à Los Angeles pour trois films. En parallèle, il s'essaya à la fiction en signant en 1965 un épisode de la série Suspicion produite par Alfred Hitchcock (le maître anglais n'ayant retenu de lui que ses manquements vestimentaires et en particulier son absence de cravate).
Friedkin connection évoque comme il se doit chronologiquement les origines du cinéaste, de ses parents immigrés juifs ukrainiens ayant fuit les pogroms, à sa jeunesse dans les quartiers populaires de Chicago. Embauché après le lycée par une télévision locale, le jeune homme gravit les différents échelons de la profession, de préposé au courrier, à régisseur de plateaux, jusqu'à devenir réalisateur de « directs ». Du choc de 1960, soit la découverte de Citizen Kane qu'il enquilla cinq fois d'affilée, l'apprenti metteur en scène s'attacha à découvrir l'autre cinéma, celui en provenance d'Italie, de France ou du Japon. Passée une première reconnaissance à partir de son documentaire The People vs. Paul Crump (1962), dont le but avoué était de faire échapper au dit Crump la peine de mort (ce qu'il fit !), Friedkin continua sa carrière télévisuelle dans le documentaire sous le soleil californien à Los Angeles pour trois films. En parallèle, il s'essaya à la fiction en signant en 1965 un épisode de la série Suspicion produite par Alfred Hitchcock (le maître anglais n'ayant retenu de lui que ses manquements vestimentaires et en particulier son absence de cravate).
Plus étonnant pour le néophyte, et en supposé contradiction avec ses exigences cinématographiques naissantes, son premier film sur grand écran Good Times (1967) est une commande ayant pour sujet la vie du duo Sonny & Cher, une fantaisie comme il était de bon ton à l'époque de produire à l'image des films autour des 4 de Liverpool, et profiter de la sorte de la notoriété du moment de musiciens pop. En dépit des bons souvenirs liés au tournage et de l'amitié durable nouée entre les deux hommes, ce premier long métrage signa également le premier bide d'une longue série pour le futur réalisateur de Sorcerer. Déjà mal parti à Hollywood comme jeune prometteur, Friedkin grilla par la suite, à la fin de la seconde moitié des 60's, ses chances restantes en mettant en scène deux adaptations de pièces de théâtre, l'une en Grande-Bretagne The Birthday Party d'Harold Pinter, la seconde Boys in the Band d'après Mart Crowley qui en signa le scénario ; deux films dont les qualités seront réévaluées, le second étant l'un des premiers à traiter du thème de l'homosexualité (ce qui ne manque pas de piquant quand Friedkin sera traité d'homophobe dix ans plus tard avec Cruising), mais qui ne trouvent pas leur public.
Rien ne destinait finalement la suite et le succès phénoménal de French Connection. Mais comme l'indique le cinéaste, le film faillit aussi connaitre une destinée similaire. Fruit de la rencontre avec le producteur Phil D'Antoni [3], Friedkin s'impliqua personnellement dans le projet en suivant au plus près les deux inspecteurs Eddie Egan et Sonny Grosso dont est tirée l'histoire. En immersion, suivant les pas des deux policiers dans la faune new-yorkaise (il fera de même pour Cruising via des contacts avec le Milieu pour rentrer et voir de ses yeux ce qui se passe véritablement dans les clubs SM gay de la Big Apple), Friedkin connut peu de limites avant et pendant le tournage, filmant au besoin sans autorisation et au mépris des règles de sécurité : « Certaines des choses que j'ai faites n'auraient jamais pu recevoir l'aval d'un studio. J'ai mis des vies en danger. Je le dis avec plus de honte que de fierté car aucun film ne vaut la peine de prendre ce genre de risques. Ceci étant dit, le niveau de danger atteint sur French Connection était le plus élevé possible. Si quelqu'un avait été blessé - ou tué -, je serais en train d'écrire ce livre dans une cellule de prison. » Friedkin Connection ne manque pas d'anecdotes et de détails fournis de la part de son réalisateur : du scénario refusé par tous les studios, mais qui fut finalement repêché
par Dick Zanuck, futur ex-président de la Fox, pour un million et demi
de dollars (soit la moitié estimée par Friedkin et Phil D'Antoni), la préparation de la fameuse séquence de la course-poursuite, la confusion entre Fernando Rey et Francisco Rabal (qui jouera dans Sorcerer), les doutes sur l'interprétation et les désaccords avec Gene Hackman, etc.
Second pièce maitresse de Friedkin connection, la pré-production, le tournage et la post-prod de L'exorciste occupe une place de choix dans ses mémoires, à l'instar des semaines passées près de Mosul en Irak pour filmer la séquence d'ouverture, ou à la fin les déboires avec la classification et la MPPA (Motion Picture Association of America). La dernière partie du livre dissèque malheureusement moins ses autres grands films (qui s'avéreront des échecs commerciaux - ce qui peut expliquer la volonté de ne pas top remuer le couteau dans la plaie). Qu'importe, Friedkin développe suffisamment son propos, permettant de comprendre le cas échéant une partie des raisons expliquant ses échecs publics : n'avoir rien fait pour garder Steve McQueen au casting de Sorcerer [4], ou le désaccord profond qui le lia avec Al Pacino, ce dernier ne lui pardonnant pas de découvrir lors de la projection privée l'ambiguïté de son personnage, provoquant son refus de promouvoir Cruising et alimenta encore un peu plus le ressentiment éprouvé par le film.
Comme écrit en préambule, ce qui marque à la lecture de cette épaisse et néanmoins passionnante autobiographie, c'est sans doute la capacité de son auteur à avoir pu autant tourner malgré ses nombreux revers. Autre temps, autres mœurs. Pas étonnant dès lors que l'homme est su varier la palette de ses envies. Provenant de la télévision, à l'image d'un Sam Peckinpah, William Friedkin y retourna par moment à partir des années 80, soit pour réaliser un épisode de série (La cinquième dimension ou bien plus tard CSI Las Vegas) ou des téléfilms dont son remake de Douze hommes en colère. Autre corde à son arc et moins connu du grand public, et juste après le remarqué Bug (2006) qui reçut un prix à la Quinzaine des réalisateurs, ce mélomane mit en scène partir de la fin des années 2000 des opéras, dont les deux premiers furent créés à la demande du ténor Placido Domingo, (ré)créations qui ne calmèrent en rien le bouillonnant septuagénaire et son potentiel de nuisance avec son grinçant Killer Joe en 2011.
Un livre dédié aux cinéphiles.
___________________________________________________________________________________________________[1] Friedkin rapporte l'anecdote de la projection privée Des Dents de la mer à laquelle il fut invité par Universal, et qui ne lui laissa que peu souvenirs marquants à l'époque.
[2] Anecdote d'autant plus pénible que Sorcerer and co fit partie des victimes collatérales de Star Wars, en attendant The Thing et Blade Runner en 1982 face au raz de marée E.T.
[3] D'Antoni, dont le premier film fut Bullitt, acheta les droits du roman Cruising et y
associa Spielberg. Mais le projet tomba à l'eau, faute de personnes intéressées à le produire. Comme le souligne Friedkin, on peut s'interroger sur la direction qu'aurait pu prendre la filmographie de Spielberg s'il avait pu mener à bien ce projet.
[4] Car dixit le réalisateur un gros plan de Steve McQueen vaut tous les paysages.
[4] Car dixit le réalisateur un gros plan de Steve McQueen vaut tous les paysages.
Beaucoup d'anecdotes passionnantes dans cette chronique qui raviront les cinéphiles :-)
RépondreSupprimer"la mise à la benne d'une œuvre offerte par un anonyme admirateur nommé Jean-Michel Basquiat" Terrible ! Et de me rappeler une collection d'affiches de cinéma datant des années 30-40 donnée par un propriétaire de cinéma de quartier à ma grand-mère qui jetera tout quelques années plus tard. (La même-grand-mère qui voulait réenregistrer une émission télé insipide "par dessus" la VHS du Lac des Morts-Vivants... mais ça c'est une autre anecdote :-P
Oui sauvons le soldat J.A. Lazer !
Supprimerhttp://www.therockyhorrorcriticshow.com/2009/01/la-wehrmacht-prends-son-bain-dans-la.html