Cinq et sept années après Chambre avec vue (1985) et Maurice (1987), le plus britannique des cinéastes étasuniens, James Ivory, adaptait pour la troisième fois un classique de l'écrivain E.M. Forster, Retour à Howards End, paru en 1910. Auréolé de plusieurs prix, dont celui du quarante-cinquième anniversaire du Festival de Cannes, trois Oscars, dont celui de la meilleure actrice pour Emma Thompson et de la meilleure adaptation pour Ruth Prawer Jhabvala, deux BAFTA, dont celui du meilleur film [1], cette vingtième collaboration entre le cinéaste et le producteur Ismail Merchant s'inscrit, on l'aura compris, comme l'un des incontournables de leur riche filmographie. En salles au cinéma en version restaurée depuis le 26 décembre 2018 par les bons soins de Carlotta.
Angleterre édouardienne, début du XXe siècle, suite à la liaison sans lendemain entre Helen Schlegel (Helena Bonham Carter) et l'un des fils de la famille Wilcox, riches industriels
conservateurs, sa sœur ainée Margaret (Emma Thompson) fait la connaissance de Mme Wilcox (Vanessa Redgrave). Issue de la bourgeoisie intellectuelle londonienne, Margaret se lie d'amitié, en dépit de leurs différences sociales, avec l'épouse du patriarche, Henry Wilcox (Anthony Hopkins), directeur de l'Imperial West African Rubber. Juste avant
de mourir, cette dernière décide de léguer à Margaret sa demeure de Howards End, propriété familiale léguée en son temps par son frère, mort aux Indes, à laquelle elle est très attachée. Heureusement pour les Wilcox, le document n'est pas officiel et la dernière volonté de la défunte ne sera pas respectée. Mais lorsque Henry Wilcox fait enfin la connaissance de Margaret, il tombe sous son charme…
Premier film du duo composé par Anthony Hopkins [2] et Emma Thompson sous la direction de James Ivory, Retour à Howards End marqua une étape importante dans la filmographie du cinéaste de par l'ambition de sa production, et son budget bien supérieur (8 M$) aux précédentes productions Merchant Ivory. Portraits croisés de trois familles anglaises, issues chacune de classe différente, de la grande bourgeoisie des Wilcox aux Blast, protégés de Helen Schlegel, dont l'époux, Leonard (Samuel West), est employé dans une compagnie d'assurances, le long métrage, à l'instar du roman originel, confronte ces différents personnages, liés l'un à l'autre, à une Angleterre figée par sa morale et conformiste par ses valeurs.
Personnage à part entière, le cottage de Howards End concentre autant les convoitises qu'il incarne un lieu détaché, en dehors du monde réel. Conservé par les Wilcox, père et enfants, après le décès de la mère Ruth, la demeure est au centre de l'histoire. Nullement régi par l'univers capitaliste du patriarche, Howards End, qui symbolisait auparavant une retraite au-delà du temps et de l'espace pour Mme Wilcox, n'est désormais réduite qu'à sa fonction foncière, ultime signe des privilèges d'une classe dirigeante qui connait ces derniers instants, avant l'irruption d'un drame final qui scellera les destinées des différents protagonistes.
Film d'une rare beauté, magnifiquement photographié par Tony Pierce-Roberts, Retour à Howards End se distingue, sans surprise, par sa distribution, le long métrage donnant la part belle aux personnages féminins. Du contraste des sœurs Schlegel, de la tempérée Margaret à la passionnée Helen, de la lumineuse Mme Wilcox à la fragile Mme Blast (Nicola Duffett), James Ivory marie au mieux l'intime et le sociétal, le récit devenant, à travers le spectre de leurs amours, le témoin de leurs luttes et aspirations légitimes dans une société encore ultra patriarcale.
En attendant l'année suivante, Les vestiges du jour d'après le roman de Kazuo Ishiguro, autre sommet de la filmographie 90's des deux duos précités, Ivory/Merchant et Thompson/Hopkins.
En attendant l'année suivante, Les vestiges du jour d'après le roman de Kazuo Ishiguro, autre sommet de la filmographie 90's des deux duos précités, Ivory/Merchant et Thompson/Hopkins.
Crédit Photos : © 1991 MERCHANT IVORY PRODUCTIONS LTD. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
Howards End (Retour à Howards End) | 1992 | 142 min | 2.35 : 1 | Couleurs
Réalisation : James Ivory
Production : Ismail Merchant
Scénario : Ruth Prawer Jhabvala d'après le roman de E.M. Forster
Avec : Anthony Hopkins, Vanessa Redgrave, Helena Bonham Carter, Emma Thompson, James Wilby, Samuel West, Jemma Redgrave et Prunella Scales
Musique : Richard Robbins
Directeur de la photographie : Tony Pierce-Roberts
Montage : Andrew Marcus
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[1] En sus de l'Oscar des meilleurs décors pour Luciana Arrighi et Ian Whittaker et du BAFTA de la meilleure actrice pour Emma Thompson.
[2] Le film marque également la première des quatre collaborations entre l'acteur britannique et le réalisateur, qui sera suivi par la suite de Surviving Picasso (1996) en enfin The City of Your Final Destination (2009).
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