
On a beau se le répéter à chaque fois, on ne l'écrira jamais assez : ne jamais se fier aux idées reçues... quand bien même celles-ci vous confortent dans un certain confort, et, à plus forte raison, quand elles découlent implicitement ou non de l'œuvre d'un artiste.
Prenez le souffleur norvégien Jan Garbarek, les mauvaises langues vous diront que le saxophoniste a frôlé plus d'une fois la correctionnelle en cédant aux sirènes d'une musique bâtarde qui sous le prétexte fallacieux de proposer des atmosphères hypnotiques et sophistiquées, gave surtout l'auditeur d'un jazz New Age, dont la seule vertu est d'avoir réussi à (re)définir la notion de kitsch dans les musiques dites sérieuses. Réquisitoire à charge teinté, cependant, de quelques oublis volontaires. Si notre procureur pourra toujours se défendre de ses fielleuses accusations, synonymes de frustration vis à vis des jeunes années perdues, et du potentiel free jazz des premiers disques de Garbarek dissout au fil du temps par l'évolution ou son virage amorcé vers la fin des années 70, son avocat n'oubliera pas non plus de souligner l'importance qu'a pu avoir le souffleur, en digne héritier de Don Cherry, en créant de nombreux ponts entre le jazz et les musiques du monde.
Transition idéale (quoiqu'un peu abrupte) pour introduire un compatriote du saxophoniste, qui fut justement un compagnon de route de ce dernier à leur début
[1], le guitariste norvégien
Terje Rypdal, ou un autre artisan du son dit ECM. En étant moins vindicatif que le précédent procureur, on ajoutera simplement que la discographie du guitariste est le parfait reflet de ce qui caractérise les productions ECM : une guitare cristalline au profit d'une musique contemplative, ou la bande-son idéale pour l'auditeur souhaitant se perdre dans un désert minéral (son album solo
Descendre ou encore celui enregistré en trio en 1978 avec
Miroslav Vitous et Jack DeJohnette peuvent vous en convaincre)...
en omettant des albums plus inégaux voire dispensables à partir des années 80 (Ambiguity sur The Chaser par exemple) où le scandinave à vouloir (trop) incorporer ses premiers émois musicaux rate le coche en y ajoutant quelques travers propres aux guitaristes de rock. Et pourtant le multi-instrumentiste scandinave
[2], à l'image des disques enregistrés en compagnie de Garbarek, n'est pas homme à se contenter d'un seul style musical, et son dernier disque
Crime Scene en est encore la preuve vivante.