Le jazz n'est pas mort. Voilà c'est dit, pouf pouf. Et une formule facile, inutile et stérile (1), répétée à l'envie depuis... depuis combien de temps d'ailleurs ? Peu importe en fait tant la dite formule peut se greffer à n'importe quel genre musical (2) dès qu'un effet de mode ou un essoufflement (vérifié ou non) se fait sentir. Et donc ? Et bien, plus de cent ans d'existence et toujours aussi vert ce vieux jazz. Car si la jeunesse ne se compte pas aux poids des années, on aurait néanmoins tort de résumer cette musique à celle des (arrières) grand-pères de renom (venus jouer les
cautions dans des festivals qui n'ont plus de jazz que de nom). Suffisamment alerte pour encore évoluer et muer ; ne méritant donc pas sa place au musée des traditions, en dépit des efforts de certains
jazzmen, certes talentueux, mais juste bon à lustrer du vieux cuivre et à rappeler les fantômes du bop. En conclusion, oui il est encore frais et bien portant merci pour lui (merci pour nous). Et la preuve en est avec ce jeune musicien surdoué prénommé Christian Scott en provenance de La Nouvelle Orléans (CQFD) venu un soir de juillet à Paris présenter son ambitieux nouvel album Christian aTunde Adjuah (3) lors du festival « All Stars » du New Morning et sa stretch music.
Devant l'entrée avec presque deux heures d'avance, et aidé par une chaleur estivale qui poussa la salle à laisser ouverte la porte d'entrée des lieux, le préposé, en guise de préambule à cette soirée, eut le petit luxe d'entendre et d'apercevoir la formation répéter. Des musiciens en mode décontraction avérée, menés par un Scott tout en coolitude faisant quelques allers-retours entre la salle et l'extérieur en débardeur et short fuchsia avant le début des « hostilités ».
Une soirée spéciale à plus d'un titre, dernière date européenne du trompettiste, le quintette indiqué sur l'affiche sera finalement amputé de son pianiste John Escreet, une nouvelle annonçant dès lors un show plus compact et intense (4) ?
Scindé en deux sets d'environ 45 minutes (plus un titre en rappel), le trompettiste fera la part belle à ses deux derniers albums dont un nerveux Jihad Joe, premier extrait de Christian aTunde Adjuah. Un premier set illuminé par le somptueux Isadora et le dantesque K.K.P.D. (et son introduction cataclysmique), tout deux issus du précédent Yesterday You Said Tomorrow. Très communicatif entre chaque titre, le leader explique non sans humour l'origine de ses diverses compositions, celles-ci ayant souvent pour source une expérience personnelle : K.K.P.D. (Ku Klux Police District) ou le fruit d'une rencontre désagréable avec la police de La Nouvelle Orléans. La seconde partie du concert se voudra quant à elle plus atmosphérique et plus chaude, portée par la guitare de Matthew Stevens et le souffle brûlant de Christian Scott, avant de conclure chaque titre par une pure (dé)charge salvatrice orchestrée par une batterie des plus puissantes.
Entouré des fidèles Kris Funn à la contrebasse (évoquant par la stature une version moderne de Ron Carter), du batteur Jamire Williams et donc du guitariste Matthew Stevens, Scott et son quartet vont offrir une prestation d'une rare efficacité, une puissance et une énergie d'autant plus saisissante que celles-ci apparaissent alors bridées sur album. Mais comme nous vendait une réclame du temps passé, sans maitrise la puissance n'est rien, et à ce petit jeu, le leader évite à la fois le piège du « trumpet hero » et celui d'être un énième clone de Miles Davis ; ses influences jazz apparaissant pour le second point suffisamment nombreuses pour brouiller les pistes.
En un mot, une soirée mémorable et une belle introduction à la musique de ce jeune musicien, nouvel apôtre des musiques des Black Indians (rythmes et harmonies d'Afrique de l'Ouest mélangés à ceux des Indiens du Sud de la Louisiane) et bien plus encore (5).
En un mot, une soirée mémorable et une belle introduction à la musique de ce jeune musicien, nouvel apôtre des musiques des Black Indians (rythmes et harmonies d'Afrique de l'Ouest mélangés à ceux des Indiens du Sud de la Louisiane) et bien plus encore (5).
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(1) Encore un adjectif et j'obtenais les quatre à la suite et une place en finale. Zut...
(2) Ce n'est pas Wattie Buchan de The Exploited qui me contredira.
(3) Double album de deux heures au nom du nouveau patronyme qu'il s'est donné en hommage à ses racines africaines.
(4) A noter que ce concert fut également le dernier concert du batteur Jamire Williams (et du guitariste Matthew Stevens ?) en Europe avec Christian Scott.
(5) Sa volonté étant de faire côtoyer à la fois la musique de ses aînés avec des musiques plus récentes tel le rap (des années 90), l'indie rock ou la musique du Sénégal.
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