Il était une fois en Amérique - Sergio Leone (1984)

Ressorti par Carlotta dans les salles françaises en version restaurée en juin 2011 [1], le dernier chef d'œuvre de Sergio Leone, Il était une fois en Amérique, réapparaît de nouveau sur grand écran mercredi prochain, par l'intermédiaire du même éditeur avisé, dans une version inédite incluant vingt deux minutes supplémentaires. Disponible depuis septembre dernier outre-Atlantique en DVD et Blu-Ray, cette ultime version se rapproche au mieux de celle souhaitée par le réalisateur. Perdues, puis retrouvées à partir d'une pellicule positive utilisée comme copie de référence, et enfin restaurées par L'Immagine Ritrovata et la Cineteca di Bologna, ces scènes coupées furent réinsérées avec l'aide des collaborateurs de l'époque et de la famille du metteur en scène. 

Tourné entre le 14 juin 1982 et le 22 avril 1983, et présenté en avant-première à Cannes l'année suivante dans une version de 229 minutes, l'exploitation d'Il était une fois en Amérique connut des fortunes diverses. Devant par contrat livrer un métrage d'environ 2 heures et 45 minutes, les distributeurs étasuniens [2] coupèrent drastiquement le film pour n'en retenir qu'une version expurgée d'environ 139 minutes. Pire, non contents d'ôter des scènes, les studios changèrent également la structure narrative pour ne retenir que l'ordre chronologique de l'histoire. Victime de cette purge, l'enfance des personnages fut sacrifiée au profit des scènes relatant l'âge adulte. Ironie du sort, cette version aseptisée étasunienne, assainie de toutes volutes opiacées, et au récit supposé clarifié, fut un véritable échec critique et public, tandis que la version européenne de 229 minutes fut célébrée comme le parachèvement de l'œuvre de Leonienne et un sommet de l'histoire du cinéma

 
  
Adaptation du roman The Hoods d'Harry Grey, Il était une fois en Amérique relate la vie de David 'Noodles' Aaronson (Robert de Niro) et de sa bande, de leur délinquance dans le quartier juif de Brooklyn, au gangstérisme de la fin de la Prohibition, jusqu'au retour new-yorkais de Noodles, après trente cinq années d'exil à la suite de l'exécution de ses anciens amis un soir de 1933. Chronique désenchantée, le film s'inscrit une fois de plus, de la part de son auteur italien, dans la démystification d'une période de l'Amérique, celle de l'avènement du grand banditisme des années 30. Au-delà de sa reconstitution du New-York du Lower East Side, de son esthétisme exceptionnel ou de sa distribution, Il était une fois en Amérique marque davantage par sa dimension nostalgique et la mélancolie qui en découle, de ces portraits tragiques de vies gâchées, à ces amours perdus sacrifiés par la violence. Complexe, la structure non linéaire du récit s'inspire, du propre aveu de Leone, des effets que peuvent provoquer l'opium sur l'inconscient. Le scénario s'attache dès lors à dépeindre les souvenirs et les visions de Noodles, réfugié dans une fumerie d'opium clandestine après le meurtre de Max, Patsy et Cockeye. Ambitieux tant par le fond que par la forme, ce dernier long métrage qui deviendra son testament est également le film le plus personnel de Sergio Leone, les rêveries opiacées de Noodles se conjuguant aux rêves cinématographiques de son auteur [3].

Des nouvelles scènes ajoutées, force est de constater, et malgré le soin et les efforts apportés par L'Immagine Ritrovata et la Cineteca di Bologna, que ces dernières du fait de leur qualité détériorée sont facilement visibles. De quoi laisser penser que ces ajouts n'ont qu'une utilité commerciale ? Nullement, car celles-ci transcrivent à un plus haut degré la perception de Sergio Leone, et permettent de mieux comprendre certains personnages à l'instar de Eve, la compagne de Noodles, ou Jimmy Conway.

 

Parmi les sept scènes supplémentaires, on retiendra en particulier dans cette nouvelle version celle décrivant la  première rencontre, succédant dans la soirée au catastrophique rendez-vous [4] avec Deborah (Elizabeth Mcgovern) et à son viol, entre Noodles et Eve interprétée par Darlanne Fluegel. Saoul, Noodles se fait aborder par une prostituée nommée Eve. La scène est d'autant plus tragique, que le frustre Noodles la nomme Deborah, et fera preuve d'une tendresse qu'il était incapable d'offrir à son amour d'enfance. D'autres scènes coupées s'attachent à expliciter comment le vieux Noodles fait le lien entre sa vie passée et le ministre Bailey : au mausolée, il fait la connaissance de la directrice du cimetière (Louise Fletcher) et constate qu'une voiture le suit, celle-ci explosant, peu de temps après, devant ses yeux au sortir de la propriété du ministre. Enfin quelques minutes avant l'entrée de Noodles dans le bureau de Max / Bailey (James Woods), nous sommes les témoins d'une conversation entre le ministre déchu et le leader syndical joué par Treat Williams. Loin de son ancien sobriquet "les mains propres", Conway est devenu cynique et corrompu. Donnant plus d'indications sur les malversations financières dont les deux hommes sont les acteurs, la position de Bailey apparaît manifeste : sa mort est attendue pour la soirée.

A défaut d'être essentielles (elles ne bouleversent en rien notre jugement vis à vis d'Il était une fois en Amérique), ces nouvelles scènes enrichissent et approfondissent ce classique du cinéma.





Once Upon A Time In America (Il était une fois en Amérique) | 1983 | 251 min
Réalisation : Sergio Leone
Production : Arnon Milchan
Scénario : Sergio Leone, Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Enrico Medioli, Franco Arcalli, Franco Ferrini d'après le roman d'Harry Grey "The Hoods"
Avec : Robert De Niro, James Woods, Elizabeth Mcgovern, Joe Pesci, Burt Young, Treat Williams, Danny Aiello, William Forsythe, Jennifer Connelly
Musique : Ennio Morricone
Directeur de la photographie : Tonino Delli Colli
Montage : Nino Baragli
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[1] 2011 ou l'année de la présidence du jury au Festival de Cannes par Robert de Niro.

[2] Difficile de ne pas penser à Blade Runner de Ridley Scott puisque le ou les responsables sont les mêmes : la Ladd Company ou la Warner.

[3] Il était une fois en Amérique n'en reste pas moins un hommage aux anciens films de gangster : Little Caesar, Cry of the City, Angels with Dirty Faces, Dead End, etc. 

[4] En préambule à ce rendez-vous, il existe dans cette version une conversation entre Noodles et le chauffeur, joué par le producteur Arnon Milchan.

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