Adapté du roman argentin du même nom, La invención de Morel, édité en 1940 et signé par l'auteur Adolfo Bioy Casares, L'invention de Morel s'inscrit comme un cas relativement unique dans le paysage culturel français. Produit et réalisé pour la télévision, ce film diffusé en décembre 1967, non content d'être un des tout premiers tournés en couleur, fait figure d'OTNI (Objet Télévisuel Non Identifié) tant son contenu s'éloigne des usuelles fictions produites par jadis l'ORTF. Edité en DVD par l'INA depuis 2012 sous la collection Les inédits fantastiques [1], L'invention de Morel n'est pas sans évoquer les autres essais fantastiques et science-fictionnelles qui seront réalisés quelques années après par d'autres auteur français à l'instar du Je t'aime je t'aime d'Alain Resnais ou Le temps de mourir d'Alain Farwagi. Mais n'allons pas trop vite.
11 janvier 1935. Débarqué depuis la veille, Luis (Alain Saury) est venu se cacher sur une île lointaine, Villings, dans l'archipel des Ellice. L'île est désormais abandonnée de tous, et nul ne s'y approche depuis que l'équipage et les passagers d'un bateau furent retrouvés morts, atteints d'une « maladie mystérieuse qui tue de la surface vers le dedans ». Dans cette île déserte subsiste néanmoins d'anciens vestiges modernes ; s'y dresse au nord, non loin d'un oasis, un hôtel particulier qualifié de « musée » avec piscine construit en 1925. Prisonnier et seul, n'ayant plus aucun moyen de repartir, Luis s'adapte tant bien que mal à cette nouvelle vie. Deux semaines après son arrivée, il découvre par surprise la présence de visiteurs. Habillés de vêtements semblables à ceux que l'on portait dix ans plutôt, ces derniers ne lui prêtent aucune attention. Invisible aux yeux de tous, Luis s'éprend au fil du temps d'une jeune femme, Faustine (Juliette Mills). Mais celle-ci, à l'instar de ses compagnons, ne le voit pas. Détail encore plus troublant, les faits et gestes de ses visiteurs se répètent et se déroulent de manière identique chaque semaine. Un soir, le maître des lieux, le dénommé Morel (Didier Conti), avoue lors d'un dîner avoir créé une machine qui enregistre la vie dans toutes ses dimensions...
A la fois récit fantastique et conte philosophique, L'invention de Morel surprend encore plus de quatre décennies après sa diffusion. Certes, l'intérêt premier suscité par ce téléfilm provient de son récit originel, mais on aurait pourtant tort de minorer les qualités de cette adaptation fidèle signée par la paire Claude-Jean Bonnardot et Michel Andrieu. Le film n'écarte en rien les thèmes principaux du roman que sont l'amour, la mort, et par extension la question de l'immortalité et de son prix.
Doté d'un budget relativement appréciable (comprendre : pour une production télévisuelle française des années 60), si les scènes situées dans et autour du dit musée furent filmées en studio, le caractère factice de certains décors, et en particulier le jardin autour de la propriété de Morel, pouvant difficilement faire illusion, une partie du tournage de L'invention de Morel fut néanmoins réalisée en extérieur. Mieux, Bonnardot évite le piège du théâtre filmé, sa caméra nullement statique suit au plus près les mouvements mécaniques des protagonistes, ainsi que l'entrée et la difficile acclimatation du narrateur à cette île mystérieuse.
Point plus dissonant que l'artificialité des décors, celle du jeu des acteurs secondaires [2] nous rappelle qu'il s'agit bien d'une production de l'ORTF : daté, théâtral ; l'interprétation accuse malheureusement un sérieux coup de vieux. Reste Alain Saury, parfait en fugitif décidé à découvrir le fonctionnement de la machine pour vivre éternellement aux côtés de sa bien-aimée Faustine.
Mais le seul véritable regret, le terme défaut serait disproportionné et mal venu, vient du manque d'audace formelle de cette adaptation. Limité tant par sa production que par le diffuseur, le montage de L'invention de Morel aurait sans doute gagné à expérimenter plus. Le roman fut l'une des sources d'inspiration du long métrage d'Alain Resnais, L'année dernière à Marienbad, Lion d'or en 1961. Or difficile de ne pas faire le rapprochement entre ce scénario, et ce qu'aurait pu donner le film avec le montage déconstruit de Je t'aime, je t'aime sorti l'année suivante.
A noter enfin que le roman de Casares fut une seconde fois adapté, pour le grand écran cette fois-ci, en 1974 par le réalisateur italien Emidio Greco avec dans le rôle de Faustine, Anna Karina.
Doté d'un budget relativement appréciable (comprendre : pour une production télévisuelle française des années 60), si les scènes situées dans et autour du dit musée furent filmées en studio, le caractère factice de certains décors, et en particulier le jardin autour de la propriété de Morel, pouvant difficilement faire illusion, une partie du tournage de L'invention de Morel fut néanmoins réalisée en extérieur. Mieux, Bonnardot évite le piège du théâtre filmé, sa caméra nullement statique suit au plus près les mouvements mécaniques des protagonistes, ainsi que l'entrée et la difficile acclimatation du narrateur à cette île mystérieuse.
Point plus dissonant que l'artificialité des décors, celle du jeu des acteurs secondaires [2] nous rappelle qu'il s'agit bien d'une production de l'ORTF : daté, théâtral ; l'interprétation accuse malheureusement un sérieux coup de vieux. Reste Alain Saury, parfait en fugitif décidé à découvrir le fonctionnement de la machine pour vivre éternellement aux côtés de sa bien-aimée Faustine.
A noter enfin que le roman de Casares fut une seconde fois adapté, pour le grand écran cette fois-ci, en 1974 par le réalisateur italien Emidio Greco avec dans le rôle de Faustine, Anna Karina.
L'invention de Morel | 1967 | 95 min
Réalisation : Claude-Jean Bonnardot
Scénario : Michel Andrieu d'après le roman d'Adolfo Bioy Casares
Avec : Alain Saury, Juliette Mills, Didier Conti, Anne Talbot, Jean Martin,
Directeur de la photographie : Georges Leclerc
Montage : Lucienne Barthélemy
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[1] Autre curiosité de la collection : l'adaptation télévisuelle d'E.C. Tubb, Le navire étoile, par Alain Boudet et Michel Subiela en 1962.
[2] On retiendra le visage familier de Jean Martin, connu du grand public pour son rôle du commissaire divisionnaire Sabin dans Peur sur la ville (1975) d'Henri Verneuil, et bien sûr dans celui du Colonel Mathieu dans La bataille d'Alger (1966) de Gillo Pontecorvo.
Rendez-nous l'ORTF !
RépondreSupprimerRendez-nous L'homme du Picardie ! :-D
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