Avant d'entamer une carrière hollywoodienne couronnée de succès et commencée en 1995 par le très remarqué Raison et sentiments, ou l'adaptation d'un des classiques de l'auteure britannique Jane Austen, le réalisateur taïwanais Ang Lee débuta en 1992 par Pushing Hands, premier volet de sa trilogie sur la famille intitulée « Father Knows Best ». Ce cycle connait aujourd'hui une nouvelle actualité par la sortie le 25 novembre prochain, par les bons soins de Carlotta, du deuxième et troisième chapitre de cette trilogie, Garçon d'honneur et Salé sucré, en support Blu-ray et DVD collector.
Œuvres d'un réalisateur tardif [1], ces deux longs métrages n'ont rien de juvéniles. Mieux, dépassant le simple cadre de la comédie, elles permirent à Ang Lee de faire résonner sur grand écran les mutations de la société taïwanaise. Fil conducteur de ces évolutions sociétales, l'acteur Lung Sihung fut l'interprète pour ces trois films de la figure paternelle, témoin involontaire des évolutions des relations entre les parents, garants de la culture traditionnelle, et les jeunes générations. Premiers films de la durable collaboration entre Ang Lee et le scénariste James Schamus [2] (Ice Storm, Tigre et Dragon, Lust, Caution), Garçon d'honneur et Salé sucré révélèrent au public international un réalisateur prometteur, dont le talent à croquer avec finesse le portrait de ses personnages fut auréolé au festival de Berlin en 1993 par l'Ours d'or.
Comédie de mœurs abordant le thème de l'homosexualité, Garçon d'honneur retrace l'histoire de Wei-Tong (Winston Chao), taïwanais naturalisé américain, vivant à New York avec son compagnon Simon (Mitchell Lichtenstein). Suite aux multiples pressions de ses parents, le jeune homme, sur l'idée de Simon, décide d'épouser Wei-Wei (May Chin), sa locataire chinoise à la recherche d'une carte verte. Les choses se compliquent quand les parents de Wei-Tong débarquent à New-York...
A l'exemple de ses films postérieurs, Garçon d'honneur brille par son intelligence et sa capacité à faire cohabiter situations intimistes et messages de tolérance. Marqué par une légèreté propre au genre sans toutefois verser dans le mièvre et l'insipide, avec par moment un humour franc du collier à l'image du banquet et du comportement haut en couleur des invités du mariage (avec cameo de Lee en sus), le comique proposé par Ang Lee place directement son métrage parmi ceux propres à faire évoluer les mentalités. Salué par un réel succès public lors de sa sortie dans les salles, le métrage suivant devait lui permettre de confirmer.
Réalisé l'année suivante, Salé sucré poursuit ce travail d'observation avec une tonalité similaire, à la fois douce et grave. Également cosigné par la paire Lee / Schamus, ce troisième volet s'écarte néanmoins de la simple redite. Comédie dramatique, Salé sucré narre la vie de la famille Chu autour du père, le plus grand chef cuisinier de Taipei, qui a élevé seul ses trois filles depuis la mort de son épouse, seize ans plus tôt. Celles-ci sont toutes aussi différentes les unes que les autres, l'aînée Jen (Yang Kuei-Mei) professeure de chimie s'est réfugiée dans la religion chrétienne depuis une ancienne rupture amoureuse, la cadette Chien (Wu Chien-lien) est devenue businesswoman par défaut pour une compagnie aérienne, alors qu'elle souhaitait suivre les traces professionnelles de son père, et la benjamine Ning (Wang Yu-wen) est étudiante travaillant dans un fast-food. Chaque dimanche, le père les réunit autour d'un festin préparé avec une minutie extrême, l'occasion de constater que la vie telle qu'ils la connaissaient, à l'approche de la retraite du père et des aspirations des filles, ne sera bientôt plus la même.
Premier film de Ang Lee tourné dans son pays d'origine, Salé sucré tend à confirmer, une fois n'est pas coutume, l'adage qui veut qu'une troisième œuvre soit celle de la maturité. Si le sujet parait en lui-même moins audacieux, Salé sucré n'en demeure pas moins plus ambitieux par d'autres points. Récit plus complexe, suivant au plus près ses personnages, ceux-ci apparaissent comme le reflet déformé de ceux de Garçon d'honneur, à l'image de Lung Sihung et Gua Ah-Leh qui abandonnent leurs rôles de parents compréhensifs pour devenir un père mutique et une mère ingrate. Dans le prolongement des repas du précédente long métrage, les scènes de préparation de repas sont filmées avec maîtrise et magnifiées par la photographie de Lin Jong ; la cuisine ayant un rôle primordial dans l'histoire, par delà la profession du patriarche et son caractère (faussement) fédérateur (les repas dominicaux chez les Chu font davantage apparaître les différences, voire attisent les tensions entre chaque membre de la famille). Quand la cuisine devient la métaphore de la vie, il n'est pas étonnant d'apprendre que cet homme, qui se sent à mesure marginalisé au sein de sa propre famille, ait finalement perdu le sens du goût, avant que...
Riche, clôturant magistralement cette trilogie, Ang Lee allait revenir sept ans plus tard à ses racines en rendant un hommage au maître du wu xia pan, King Hu, dans le multi oscarisé Tigre et Dragon.
Comédie de mœurs abordant le thème de l'homosexualité, Garçon d'honneur retrace l'histoire de Wei-Tong (Winston Chao), taïwanais naturalisé américain, vivant à New York avec son compagnon Simon (Mitchell Lichtenstein). Suite aux multiples pressions de ses parents, le jeune homme, sur l'idée de Simon, décide d'épouser Wei-Wei (May Chin), sa locataire chinoise à la recherche d'une carte verte. Les choses se compliquent quand les parents de Wei-Tong débarquent à New-York...
A l'exemple de ses films postérieurs, Garçon d'honneur brille par son intelligence et sa capacité à faire cohabiter situations intimistes et messages de tolérance. Marqué par une légèreté propre au genre sans toutefois verser dans le mièvre et l'insipide, avec par moment un humour franc du collier à l'image du banquet et du comportement haut en couleur des invités du mariage (avec cameo de Lee en sus), le comique proposé par Ang Lee place directement son métrage parmi ceux propres à faire évoluer les mentalités. Salué par un réel succès public lors de sa sortie dans les salles, le métrage suivant devait lui permettre de confirmer.
Réalisé l'année suivante, Salé sucré poursuit ce travail d'observation avec une tonalité similaire, à la fois douce et grave. Également cosigné par la paire Lee / Schamus, ce troisième volet s'écarte néanmoins de la simple redite. Comédie dramatique, Salé sucré narre la vie de la famille Chu autour du père, le plus grand chef cuisinier de Taipei, qui a élevé seul ses trois filles depuis la mort de son épouse, seize ans plus tôt. Celles-ci sont toutes aussi différentes les unes que les autres, l'aînée Jen (Yang Kuei-Mei) professeure de chimie s'est réfugiée dans la religion chrétienne depuis une ancienne rupture amoureuse, la cadette Chien (Wu Chien-lien) est devenue businesswoman par défaut pour une compagnie aérienne, alors qu'elle souhaitait suivre les traces professionnelles de son père, et la benjamine Ning (Wang Yu-wen) est étudiante travaillant dans un fast-food. Chaque dimanche, le père les réunit autour d'un festin préparé avec une minutie extrême, l'occasion de constater que la vie telle qu'ils la connaissaient, à l'approche de la retraite du père et des aspirations des filles, ne sera bientôt plus la même.
Premier film de Ang Lee tourné dans son pays d'origine, Salé sucré tend à confirmer, une fois n'est pas coutume, l'adage qui veut qu'une troisième œuvre soit celle de la maturité. Si le sujet parait en lui-même moins audacieux, Salé sucré n'en demeure pas moins plus ambitieux par d'autres points. Récit plus complexe, suivant au plus près ses personnages, ceux-ci apparaissent comme le reflet déformé de ceux de Garçon d'honneur, à l'image de Lung Sihung et Gua Ah-Leh qui abandonnent leurs rôles de parents compréhensifs pour devenir un père mutique et une mère ingrate. Dans le prolongement des repas du précédente long métrage, les scènes de préparation de repas sont filmées avec maîtrise et magnifiées par la photographie de Lin Jong ; la cuisine ayant un rôle primordial dans l'histoire, par delà la profession du patriarche et son caractère (faussement) fédérateur (les repas dominicaux chez les Chu font davantage apparaître les différences, voire attisent les tensions entre chaque membre de la famille). Quand la cuisine devient la métaphore de la vie, il n'est pas étonnant d'apprendre que cet homme, qui se sent à mesure marginalisé au sein de sa propre famille, ait finalement perdu le sens du goût, avant que...
Riche, clôturant magistralement cette trilogie, Ang Lee allait revenir sept ans plus tard à ses racines en rendant un hommage au maître du wu xia pan, King Hu, dans le multi oscarisé Tigre et Dragon.
Xi yan (Garçon d'honneur) / Yin shi nan nu (Salé sucré) | 1993 - 1994 | 106 - 124 min
Réalisation : Ang Lee
Scénario : Ang Lee, Neil Peng & James Schamus / Ang Lee, James Schamus & Hui-Ling Wang
Avec : Gua Ah-leh, Lung Sihung, May Chin, Winston Chao et Mitchell Lichtenstein / Lung Sihung, Yang Kuei-Mei, Wu Chien-lien, Wang Yu-wen et Winston Chao
Musique : Mader
Directeur de la photographie : Lin Jong
Montage : Tim Squyres / Ang LEE & Tim Squyres
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[1] Ang Lee est né en 1954.
[2] Schamus qui va adapter (écrire, réaliser et produire) Indignation du romancier Philip Roth pour une sortie prévue l'année prochaine.
[2] Schamus qui va adapter (écrire, réaliser et produire) Indignation du romancier Philip Roth pour une sortie prévue l'année prochaine.
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