Figure méconnue du cinéma indépendant étasunien en France [1] ayant débuté auprès de Roger Corman, auteur depuis son premier film (autofinancé) Return of the Secaucus 7 en 1980 de dix-huit longs métrages protéiformes, John Sayles signa seize années plus tard Lone Star. Portrait intergénérationnel et multiethnique d'une communauté dans une petite ville texane proche de la frontière avec le Mexique, ce dixième long métrage ouvrit enfin à John Sayles les portes d'une double reconnaissance publique et critique, avec plusieurs nominations l'année suivante pour son scénario, aux Golden Globes, aux BAFTA et aux Oscars.
Frontera, au Texas. Deux sergents découvrent un squelette sur un ancien champ de tir de l'armée. Natif de cette petite ville frontalière, le shérif Sam Deeds (Chris Cooper) apprend par le laboratoire médico-légal de San Marcos que les ossements retrouvés sont sans aucun doute ceux du shérif Charlie Wade (Kris Kristofferson) mystérieusement disparu trente-sept ans plus tôt. Sam doit replonger dans ce passé où le principal suspect n'est autre que son père, l'ancien shérif de Fontera, le respecté Buddy Deeds (Matthew McConaughey) auquel les notables de la ville ont décidé de rendre hommage.
D'un titre tiré du surnom de l'Etat du Texas, Lone Star n'est pas comme pourrait le laisser présager le synopsis précédent un polar néo-westernien. Du moins, rien n'est aussi simple. A la croisée de différents genres, le film s'inscrit pleinement dans la filmographie de John Sayles comme une nouvelle histoire en marge du rêve américain.
De cette enquête policière, nous en connaitrons l'épilogue. Toutefois, l'intérêt est tout autre. Le scénario ne brouille pas les pistes, au contraire, il les étoffe. Deeds junior remonte le fil de temps, scrute l'héritage paternel, recompose son passé personnel. Mieux, ce récit initiatique devient pluriel à mesure où les différentes générations qui composent Frontera défilent devant nos yeux, à l'instar des relations conflictuelles entre les Payne, père et fils ou les Cruz, mère et fille.
Film choral à l'instar de ses œuvres Sunshine State ou City of Hope, Lone Star ne déroge pas au choix esthétique de son auteur. A partir du portrait des diverses communautés, le film peint avec justesse le tableau d'une ville et de ses habitant.e.s vivant non loin du Mexique voisin. « Film de frontière », le long métrage place celle-ci au cœur des problématiques de son récit, offrant de manière plus globale une réflexion pertinente sur la place de la frontière comme catalyseur des tensions culturelles et historiques d'une population cosmopolite, microcosme d'une réalité politique étasunienne d'hier et d'aujourd'hui.
Autour de Chris Cooper, qui débuta sa collaboration [2] avec John Sayles en 1987 avec Matewan, le long métrage offre à Elizabeth Peña un de ses plus beaux rôles, celui de Pilar Cruz, ancien amour adolescent de Sam Deeds.
A (re)découvrir.
Lone Star | 1996 | 135 min | 2.35 : 1 | Couleurs
Réalisation : John Sayles
Production : R. Paul Miller, Maggie Renzi
Scénario : John Sayles
Avec : Chris Cooper, Elizabeth Peña, Kris Kristofferson, Matthew McConaughey, Ron Canada, Clifton James, Joe Morton
Musique : Mason Daring
Directeur de la photographie : Stuart Dryburgh
Montage : John Sayles
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[1] La Cinémathèque française a organisé une rétrospective du 20 octobre au 13 novembre 2021.
[2] A ce jour, Cooper participa à cinq films signés Sayles : Matewan (1987), City of Hope (1991), Lone Star (1996), Silver City (2004) et Amigo (2010).
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