L'abandon, geste cruel n'est-ce pas? Et pourtant, en dépit de joyeux moments passés ensemble, quelques personnes sans scrupules n'hésitent pas à se rendre coupable d'une telle lâcheté. Certes, ces individus à la morale légère ont toujours une excuse valable, "tu as toujours été bon et loyal avec moi, mais six années, c'est la fin d'un cycle, vois-tu", "et puis, je ne t'abandonne pas, je t'offre une nouvelle vie chez un nouveau propriétaire" ou pire " non mais ça ne vient pas de toi, c'est de ma faute...". Mais au fond, on sait pertinemment que si elle se sépare de nous c'est parce qu'on lui fait honte. Alors on se persuade qu'il vaut mieux effectivement quitter ce cocon, où les bons souvenirs sont légions, en sachant qu'on sera prochainement remplacé par plus jeune que nous. Partir avant de s'entendre dire une horreur du genre: "de toute façon, c'est fini entre nous, t'es trop gros et tu pues le vieux". Pour ne pas tout gâcher, on tente de profiter au maximum de ces quelques jours avec celle qui partagea notre existence durant ces six belles et heureuses années, se souvenir lorsqu'elle se blottissait contre nous et se languissait à nos côtés. Puis on espère au plus profond de notre mousse en polyuréthane, que cette vaine chimère de finir ces jours chez un étranger ne va pas se conclure honteusement par un misérable et pitoyable ramassage par ces sinistres encombrants. Car toi qui me lis, sache que la vie d'un canapé-lit n'est pas si facile.
Vous pensiez que la vie d'un canapé et d'un musicien de rock n'avait aucun point commun, et pourtant l'un comme l'autre, il arrive des fois que votre présence ne soit plus désirée au sein d'un cercle, d'un groupe voire d'une famille (1). Certes, on a rarement, voire jamais à ma connaissance, viré un guitariste pour les mêmes raisons qu'un vieux canapé miteux. Dans ce milieu où la légende voudrait que l'hygiène corporelle soit proche de celle d'une serpillière, quel groupe ou leader pourrait se targuer de s'être séparé d'un de ses membres du fait de son apparence négligée ou de son haleine fétide (2)? Il est en effet plus rock'n'roll de congédier manu militari un de ses musiciens à cause de son attitude borderline, comprendre "tu bois/baises plus que le leader/chanteur, alors dégage!". A contrario, comme je l'avais brièvement souligné précédemment, lors de mon billet sur Zuma, l'éviction de Danny Whitten par Neil Young fut un choix difficile pour le loner, d'autant plus dur à digérer une fois appris la mort de son ancien guitariste, retrouvé gisant à Los Angeles après une overdose à l'héroïne.
1972, Neil Young se voit rattrapé par le succès après la sortie de son album Harvest, l'album le plus vendu aux USA cette année-ci. Devant l'incapacité de Whitten à suivre les répétitions en vue de préparer la prochaine tournée, Young se voit dans l'obligation de virer son ami junkie jusqu'au bout des veines, en novembre de la même année, avec l'épilogue malheureux que l'on connait. S'en suit dès lors une période douloureuse pour le loner, devoir surmonter la mort de son ami, ancien compagnon du Crazy Horse, survivre avec ce sentiment poisseux et tenace de culpabilité et devoir assurer son nouveau statut de rock'n'roll freak, ce dernier s'accompagnant dès lors par une tournée des stades US. La parade, si on peut la nommer ainsi, choisie par Neil Young pourrait être comparée à une contre-allée, la même qui pousse certains artistes à enregistrer un album volontairement casse-gueule après un succès raz de marée (3). Ainsi, contrairement aux attentes du public venu en nombre écouter les tubes d'Harvest, tels qu'Alabama ou Heart of Gold, Neil Young propose un show cru, abrasif à l'image de sa santé mentale: on the edge. Et pour récompenser un peu plus les fans espérant retrouver les ambiances "bucoliques" de 1972, le loner leur offre bon nombre de chansons inédites, pointant du doigt la vacuité et le miroir aux alouettes que peut représenter la cité des anges, le tout avec un pessimisme de bon ton tels que peuvent les décrire L.A. ou Don't Be Denied. Ajoutez à une ambiance crépusculaire, des rapports tendus entre les musiciens où l'alcool joue idéalement son rôle de perturbateur, un batteur qui disparait en cours de route, le pianiste-arrangeur Jack Nitzsche et le joueur de pedal steel guitar Ben Keith qui partent en roue libre, la tournée promotionnelle d'Harvest fut loin d'être une sinécure.
Durant la dite tournée de 62 dates, Young en profita pour enregistrer les nouvelles chansons en vue d'un album live, Time Fades Away. Un live, selon les dires de Young lui-même, qu'il faut prendre avant tout comme un témoignage audio, voire un document vérité, un album à l'image de la tournée. La facilité aurait été de graver un album live insipide et consensuel, comme la coutume le veut, qui plus est lorsqu'il s'agit de la plus grosse tournée de l'artiste, celle qui doit assurer et assoir sa renommée, en d'autres termes pour reprendre de nouveau les mots de Young, offrir au public un album live sonnant comme les répétitions d'Harvest? Time Fades Away du fait de son ambiance est le premier volet de la Ditch trilogy, reconnu comme la période noire de son auteur. Un album qui fait la part belle aux ambiances intimistes au piano comme sur Journey Through the Past, The Bridge ou Love in Mind (4), mais aussi à un rock tendu et rageur en particulier sur Yonder Stands the Sinner ou Last Dance, rappelant justement les deux prochains volets de la trilogie.
A ce jour, Time Fades Away est l'un des rares albums du loner à ne pas avoir été réédité en CD... pour le plus grand bonheur des pirates?
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(1) Ne dit on pas la grande famille du wock'n'roll?
(2) Mon agent comptable a beau me regarder d'un mauvais œil, je ne peux m'empêcher de répondre :"Phil Collins?".
(3) Comme par exemple, Transformer de Lou Reed sorti aussi en 1972 qui sera suivi par l'exigeant et déroutant Berlin l'année suivante.
(4) Love in Mind qui fut enregistré sur une tournée précédente le 30 janvier 1971, soit onze jour après son fameux concert au Massey Hall, morceau qu'on retrouve sur le fabuleux live qui porte le même nom.
1972, Neil Young se voit rattrapé par le succès après la sortie de son album Harvest, l'album le plus vendu aux USA cette année-ci. Devant l'incapacité de Whitten à suivre les répétitions en vue de préparer la prochaine tournée, Young se voit dans l'obligation de virer son ami junkie jusqu'au bout des veines, en novembre de la même année, avec l'épilogue malheureux que l'on connait. S'en suit dès lors une période douloureuse pour le loner, devoir surmonter la mort de son ami, ancien compagnon du Crazy Horse, survivre avec ce sentiment poisseux et tenace de culpabilité et devoir assurer son nouveau statut de rock'n'roll freak, ce dernier s'accompagnant dès lors par une tournée des stades US. La parade, si on peut la nommer ainsi, choisie par Neil Young pourrait être comparée à une contre-allée, la même qui pousse certains artistes à enregistrer un album volontairement casse-gueule après un succès raz de marée (3). Ainsi, contrairement aux attentes du public venu en nombre écouter les tubes d'Harvest, tels qu'Alabama ou Heart of Gold, Neil Young propose un show cru, abrasif à l'image de sa santé mentale: on the edge. Et pour récompenser un peu plus les fans espérant retrouver les ambiances "bucoliques" de 1972, le loner leur offre bon nombre de chansons inédites, pointant du doigt la vacuité et le miroir aux alouettes que peut représenter la cité des anges, le tout avec un pessimisme de bon ton tels que peuvent les décrire L.A. ou Don't Be Denied. Ajoutez à une ambiance crépusculaire, des rapports tendus entre les musiciens où l'alcool joue idéalement son rôle de perturbateur, un batteur qui disparait en cours de route, le pianiste-arrangeur Jack Nitzsche et le joueur de pedal steel guitar Ben Keith qui partent en roue libre, la tournée promotionnelle d'Harvest fut loin d'être une sinécure.
Durant la dite tournée de 62 dates, Young en profita pour enregistrer les nouvelles chansons en vue d'un album live, Time Fades Away. Un live, selon les dires de Young lui-même, qu'il faut prendre avant tout comme un témoignage audio, voire un document vérité, un album à l'image de la tournée. La facilité aurait été de graver un album live insipide et consensuel, comme la coutume le veut, qui plus est lorsqu'il s'agit de la plus grosse tournée de l'artiste, celle qui doit assurer et assoir sa renommée, en d'autres termes pour reprendre de nouveau les mots de Young, offrir au public un album live sonnant comme les répétitions d'Harvest? Time Fades Away du fait de son ambiance est le premier volet de la Ditch trilogy, reconnu comme la période noire de son auteur. Un album qui fait la part belle aux ambiances intimistes au piano comme sur Journey Through the Past, The Bridge ou Love in Mind (4), mais aussi à un rock tendu et rageur en particulier sur Yonder Stands the Sinner ou Last Dance, rappelant justement les deux prochains volets de la trilogie.
A ce jour, Time Fades Away est l'un des rares albums du loner à ne pas avoir été réédité en CD... pour le plus grand bonheur des pirates?
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(1) Ne dit on pas la grande famille du wock'n'roll?
(2) Mon agent comptable a beau me regarder d'un mauvais œil, je ne peux m'empêcher de répondre :"Phil Collins?".
(3) Comme par exemple, Transformer de Lou Reed sorti aussi en 1972 qui sera suivi par l'exigeant et déroutant Berlin l'année suivante.
(4) Love in Mind qui fut enregistré sur une tournée précédente le 30 janvier 1971, soit onze jour après son fameux concert au Massey Hall, morceau qu'on retrouve sur le fabuleux live qui porte le même nom.
Voilà un article pour Jojo !!!!
RépondreSupprimerOù est-il le tire-bouchon ???
Mais je ne sais pas, ça fait longtemps qu'on a plus vu ce tire-bouchon sur ce blog!!!
RépondreSupprimerIl a peut etre peur de se faire peter un genou ;-)
RépondreSupprimerJe me souviens écouter le même jour que le concert à Nantes... Souvenirs, souvenirs.
RépondreSupprimerIMPORTANT - je suis sur blogger maintenant http://downtown-81.blogspot.com/
Jolie confession de canapé, surtout quand on sait lequel parle...
RépondreSupprimer@ Jérémy: oui j'ai vu ça sur les fesses du bouc
RépondreSupprimer@Miss Sunalee: Justement la propriétaire du fameux canapé m'a envoyée un mail hier, cette dernière s'inquiétant de cette "histoire de dédicace" que j'avais lancé lors de mon post précédent. :-D
Il est vrai que venant de la part d'un fétichiste de bottines, elle pouvait s'inquiéter !
RépondreSupprimerEn tous cas, le résultat est réussi !
Chuuuut Miss Sunalee!!
RépondreSupprimerJe n'avais pas encore dévoilé cette perversion sur mon blog :P
(oui je préfère la divulguer chez les autres XD)
Et merci bcp pour ce compliment, c'est toujours un peu de "pommade" avant de recevoir l'ire de la demoiselle visée lol ;-)
C'est vrai, c'est un blog sérieux ici ! On ne parle pas de soi (pas comme chez moi donc - enfin j'ai aussi un blog sérieux mais je n'y écris qu'épisodiquement pour le moment).
RépondreSupprimerMais y'a méprise chère miss!
RépondreSupprimerJ'ai déjà par le passé divulgué quelques perversions qui sont miennes, sauf que le fétichisme de la bottine, je n'en ai pas encore eu l'occasion... tiens, ça pourrait bien être le thème d'un prochain post! :-D
(moi qui justement de quoi j'allais causer la prochaine fois, merci!!! ;-))
J'avoue, je n'ai pas tout lu !
RépondreSupprimervous n'avez pas tout lu, et vous avez bien fait! Je considère les années 2006 et 2007 par exemple comme des tours de chauffe.
RépondreSupprimerEnfin faut pas aller loin non plus, il suffit de lire l'épisode Class 84, où je fus attaché et réduit à l'état d'homme soumis pour regarder cet infâme film! XD
Mmmmh, vous aimez être attaché et soumis...
RépondreSupprimerMon homme, grand amateur de séries Z, a regardé ce film de son plein gré...
Nan mais je ne suis qu'une victime!!!!
RépondreSupprimerhé bien, on en apprend des choses ici... Notamment que ce serait un blog sérieux ha ha ha la bonne blague!
RépondreSupprimerEn tout cas j'en connais un qui a bien potassé le dernier article de Thom sur "l'angle d'attaque original" d'une chronique de disque ;)
C'est officiel: mon canapé veut que tu l'adoptes!
RépondreSupprimerOui mais moi aussi, j'ai un problème de place ><
RépondreSupprimerJe n'en doute pas! après tout, ta participation au DBBT09 en est la preuve... paraitrait meme que c'est elle qui a inspiré ce paragraphe à Thom ;)
RépondreSupprimerquel flatteur ce Xavier!
RépondreSupprimerC'est d'autant plus inquiétant de la part d'un sadique qui laisse des petits pots pour bébé martyriser des compotes de pomme! ;-)
Effectivement, un grand disque. On parlait d'une réédition pour les archives, et puis finalement, non.
RépondreSupprimerJ'ai lu que l'une des raisons de sa non réédition serait technique, un problème au niveau des masters... mouais... enfin même si les pistes originales sont pas dispo, y'a toujours moyen de se débrouiller, qui plus en 2009.
RépondreSupprimermerci pour ce lien et surtout pour ceux qui voudraient écouter ce disque sans passer par la case streaming :-)
RépondreSupprimerIl va falloir chercher un petit peu, en cliquant à droite à gauche sur l'un des deux articles consacrés à TFA, un peu comme dans les Archives ;-) Après il faut télécharger, dézipper, etc., c'est pas fini! Mais ça vaut le coup ;-)
RépondreSupprimerOuaou génial !!! j'adore quand tu parles de Neil young (et puis le titre de l'album "Time fade away" me fait penser à "hey hey my mind" ... c'est marrant). En plus je crois que c'est la période de "Toonight the night" non ? "please take my advice" qu'il lui dit à son pote (ou alors on m'a raconté des bobards ...). Bon sinon j'espère que ça va toi (oui je sais peut être les commentaires de ton blog c'est pas le meilleur endroit pour prendre des nouvelles) (oui aussi comme le dit Speed j'ai toujours unpeu peur de me faire péter les genoux ... mais ça c'est pour toujours : ) )
RépondreSupprimerSinon, comme j'aime bien caché les messages d'anniversaire, et bah j'en planque un ici, dans le commentaires ... Très Bon Anniversaire à toi le Doc !!! en espérant que tout roule (du coup c'est comme si je te souhaitais ton anniversaire sur un air de Neil Young, hey ça le fait !!!) ; )
C'est en partie en écoutant cet album en boucle que je suis devenue fan de neil young;j'adore son côté crasseux,et ceux qui s"attendaient à entendre harvest et à qui cela n'a pas plu n'aimaient pas vraiment neil young,fuck them;rock'n roll can never die
RépondreSupprimerChère Anonyme : On ne peut qu'être sur la même longueur d'onde! Il est évident que celle (ou celui) qui s'attendait à un Harvest bis fut déstabilisé(e)! Et c'est tant mieux pourrait on ajouter car c'est bien ce que je "reproche" au célèbre album de 1972, son manque de rugosité, très bien produit... trop bien produit! trop léché! De bien trop rares moments où on retrouve une véritable urgence (hormis les deux derniers titres?).
SupprimerBref en attendant la suite ^^